Le méridien de Paris - Une randonnée à travers l'histoire
d’introduction dans Mort à
originales de ce livre valent aujourd’hui une crédit, cette soif de sincérité poussera enfin fortune). Jusqu’à sa mort, Céline eut un
le médecin Céline à écrire la « vérité ».
cabinet de médecin, mais sa profession
Louis Ferdinand Destouches dit Céline
ne lui a jamais rapporté beaucoup d’argent.
(1894-1961) est un écrivain aussi mythique
Il était en effet un médecin de pauvres et,
que controversé. Pour de nombreux
pour autant que l’on sache, ne se faisait
lecteurs, son premier roman Voyage au
que rarement payer. Il n’avait guère foi en
bout de la nuit (1932) a été une secousse
l’humanité, mais il avait pitié de ceux qui
littéraire inégalée ; pour d’autres, il s’est n’arrivaient pas à se débrouiller.
disqualifié une fois pour toutes en tant
C’est le séjour de Céline passage Choiseul
qu’auteur de pamphlets antisémites
qui est à l’origine du cynisme qui le carac-
comme Bagatelle pour un massacre et
térisera plus tard, de sa profonde méfiance
L’École des cadavres, dont la réédition
d’autrui et de sa manie de la persécution.
est d’ailleurs interdite (conséquence : les
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L e M é r i d i e n d e P a r i s
danse à l’étage. Il ne buvait ni ne fumait, dor-mait très peu. Les différentes parties de ses manuscrits sont assemblées avec des pinces à
linge. C’est étonnant à voir : l’écrivain mondiale-ment connu dans la peau du simple artisan qu’il voulait être ! « Je suis ici pour travailler »
déclare-t-il. Pour un roman, il « fignolait » deux mille cinq cents pages à la main.
Le jeune Louis-Ferdinand a habité dans cet appartement Lors du second entretien, on entend souvent
du passage Choiseul.
son perroquet siffler et ou alors ses chiens
éditions originales de ce livre valent aujour-grogner ou aboyer. Il les appelle tous sans dis-d’hui une fortune). Jusqu’à sa mort, Céline
tinction « petit père ». Dans ce dernier entretien, eut un cabinet de médecin, mais sa profession il souligne : « J’ai cessé d’être écrivain pour ne lui a jamais rapporté beaucoup d’argent.
devenir un chroniqueur ». La façon condescen-
Il était en effet un médecin de pauvres et,
dante, méprisante dont il prononce le mot
pour autant que l’on sache, ne se faisait
écrivain est significative. « Alors j’ai mis ma que rarement payer. Il n’avait guère foi en
peau sur la table, parce que, n’oubliez pas une l’humanité, mais il avait pitié de ceux qui
chose, c’est que la grande inspiratrice, c’est la n’arrivaient pas à se débrouiller.
mort. Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n’avez rien. Il faut payer ! Ce qui est Deux interviews télévisées
fait gratuit sent le gratuit, pue le gratuit. À l’heure actuelle, vous n’avez que des écrivains gratuits.
Céline a donné deux interviews pour la télévi-Et ce qui est gratuit, pue le gratuit ». Dans un sion, en 1957 et en 1961, l’année de sa mort
des entretiens, il dit désirer sa mort. Il plaisante provoquée une congestion cérébrale. Dans les
avec le sujet et précise qu’il serait bien que son deux cas, les enregistrements eurent lieu dans décès arrive tout de suite, sous l’œil de la
sa villa délabrée de Meudon en banlieue
caméra. Il ne faudrait pas que l’agonie dure
parisienne. Il habitait au 25bis route des Gardes.
longtemps, car la douleur ne lui dit rien. « Au Sa maison a été rachetée par un particulier et revoir et merci » seraient ses dernières paroles.
ne se visite pas. Céline est enterré au
Il allait être servi l’année même !
Cimetière des Longs-Réages, à Meudon.
Lors du premier entretien, il est visiblement tendu et prend soin de bien formuler ses
Une enfance difficile
réponses. Dans le second entretien, il se
Dans ces entretiens, l’auteur se rappelle ses permet quelques plaisanteries et des
années d’enfance dans le passage Choiseul
expressions argotiques. Il a l’air d’un ermite avec un mélange d’horreur et de nostalgie. Il y un peu sauvage, un solitaire aux cheveux
vécut depuis l’âge de deux ans (1896) jusqu’à fous, bizarrement coupés, nageant dans son
ses treize ans (1907) quand la famille démé-
costume de velours côtelé (1957) ou vêtu
nagea au 11, rue Marsollier (IIe arrondissement) d’un gilet de laine sur un pantalon qui montre plus loin vers l’ouest. Il y habita jusqu’à
surtout à quel
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