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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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capitaine.
    Marie-Christine,
au nez pointu de Lauzun, vient vers la tête de lit du marquis :
    — Maman
dit que tu vas partir. Où ?
    Montespan
chuchote à l’oreille de l’enfant :
    — Je vais
aller me cacher derrière un nuage pour attendre Louis XIV avec un gourdin...
    La cuisinière
s’énerve après le mourant (c’est bien le moment) :
    — Mais
alors, ça ne finira jamais ! Même là-haut ! Pour ce que ça vous aura
rapporté, ici-bas... Rien ! Rien ! Rien ! Quels
bénéfices ? !
    Louis-Henri
murmure :
    — Je ne
réclame que la gloire de l’avoir aimée...
    Puis il baisse
les paupières comme on monterait au ciel. L’ancien maréchal des logis se
découvre de son chapeau en castor avec des plumes qu’il serre contre sa poitrine.
Mme Cartet se jette les doigts au front, au ventre, à chacune des épaules.
Voulant dérouler le chapelet autour du poignet, elle l’arrache et casse le fil,
en fait tomber les grains qui rebondissent et roulent sur les tomettes :
« Raah ! », tandis que Dorothée joint verticalement ses paumes
devant elle et baisse le front.

 
54.
     
     
    — Quel
jour sommes-nous ?
    — Jeudi
26 mai 1707, madame de Montespan.
    — 1707...,
répète celle qui est veuve depuis seize ans. Des flambeaux ! Des
flambeaux ! Voilà la nuit.
    — On les
apporte et les allume. Regardez, marquise, je laisse même cette chandelle sur
votre table de chevet, chantonne une soubrette.
    — L’ombre
s’anime. Ses griffes s’étendent vers moi, accrochent les draps. De la
lumière ! De la lumière !
    Des
candélabres chargés de bougies inondent maintenant la chambre de clarté. Par la
fenêtre aux rideaux ouverts, le crépuscule, derrière les trois tours de cette
localité mi-féodale mi-thermale, est rouge d’incendie et de dégâts . Athénaïs
panique. La marquise alitée a renoncé à ses robes légendaires, ors, perles,
pour une « chemise conjugale » percée d’un trou... faite d’un drap de
toile dure et grossière. Son corps autrefois si parfait a beaucoup maigri. Ses
beaux cheveux blonds sont devenus blancs. Elle souffre d’un dégoût d’elle,
porte des bracelets, jarretières et une ceinture à pointes de fer qui lui font
des plaies. Françoise ne quitte plus des yeux le portrait de son mari qu’elle a
fait accrocher à un mur.
     
    Voici mon
portrait, peint par Jean Sabatel, que tu mettras dans ta chambre quand le roi
n’y sera plus...
     
    Dans un
couloir, des bruits de pas s’approchent avec autorité. La porte de la chambre
s’ouvre en grand. C’est d’Antin !... suivi par la maréchale de Cœuvres qui
relate :
    — La nuit
du 22 mai, votre mère fut prise d’évanouissements. On lui a apporté du vinaigre
et de l’eau froide. Comme on a cru à une crise d’apoplexie, nous lui avons
administré de l’émétique mais je crois qu’on lui en a trop fait absorber. Elle
a vomi soixante-trois fois. Les médecins la déclarent perdue. Un prêtre est
venu lui administrer l’extrême-onction. Alors on vous a dépêché un courrier à
propos de la grande attaque de vapeurs survenue à la marquise en cure à
Bourbon-l’Archambault.
    — À
Livry, j’ai écourté une partie de chasse avec le Grand Dauphin pour accourir
aussitôt à cheval de poste.
    — Monsieur
d’Antin, vous serez le triste témoin de la mort d’une sincère pénitente.
    Le triste
témoin... Louis-Antoine s’approche du lit. Il écoute la moribonde se plaindre
d’être affaiblie et ni si forte ni si saine qu’elle fut :
    — Je n’ai
plus d’appétit, je suis insomniaque, je souffre d’indigestion.
    — C’est
que vous vieillissez.
    — Mais
quel moyen de sortir de cette langueur ?
    — Le plus
court, mère, c’est de mourir.
    Le fils affectueux
se signale ensuite par un exploit qui montre à nu la beauté de son âme  –
il arrache la clé que sa mère porte autour du cou avec laquelle il ouvre un
tiroir du secrétaire :
    — Je me
suis fait avoir une fois, je ne me ferai pas avoir une seconde fois...
    Il s’empare du
testament de la mourante :
    — Étant
donné que vous possédez de grands biens et craignant d’être défavorisé au
profit de demi-sœurs et demi-frères bâtards voire de domestiques, si vous
mouriez ab intestat  – sans qu’on retrouve vos dernières volontés
écrites  – je serais l’unique héritier aux yeux de la loi.
    La marquise
aux jarretières munies de pointes de fer soupire :
    — J’aurais
préféré que vous

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