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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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Cartet que
c’est vrai ?
    La cuisinière,
portant un lourd cuvier de linge, passe devant Montespan :
    — Je ne
réponds rien, Monsieur, à ces comptes et à ces calculs que vous avez faits, à
ces avances horribles, à cette dépense sans mesure : cent vingt mille
livres, il n’y a plus de bornes !
    Visage ridé,
Mme Cartet traverse le pont-le vis et sort de l’enceinte du château en râlant
après Louis-Henri :
    — Vous,
submergé de dettes et dont la maison ne tient que par le miracle du nom, votre
belle façade a peut-être été ravalée mais elle est rongée de l’intérieur par
des couches d’emprunts et de crédits épuisés qui pourraient à tout moment
l’écrouler comme un château de cartes... allant jusqu’à votre dégradation de
noblesse qui fait d’un gentilhomme un roturier taillable et déclaré indigne de
posséder aucune charge ! Ah mais quelle...
    — Quelle
quoi ? lui demande le marquis tandis que, devant le castel, la râleuse
étend sur un fil son drap qui bat au soleil. Il faut savoir faire la paix,
madame Cartet, et recueillir convenablement celle qui s’est égarée !.„
Mais ne laissez pas ce linge ici, malheureuse. Si Françoise revenait
aujourd’hui, je ne voudrais pas qu’elle soit reçue par des draps à sécher tout
de même !
    — Hou...
là, là, soupire la femme du concierge, remballant la lessive de sa buée
d’automne et retournant vers le pont-levis. Ça devient n’importe quoi,
ici ! Alors si en plus, maintenant, Monsieur engage un peintre
itinérant...
    — Elle a
gardé son caractère, se souvient l’artiste de Montlhéry venu ici il y a
longtemps faire le portrait du marquis. En revanche, le décor a drôlement
changé !
    — Vous
avez vu ça ? Déjà la nouvelle grille du portail, commandée aux ferronniers
d’Auch, imitant, bon, en moins bien, mais... celle de Versailles ! Et ma
cour repavée, vous avez vu ma cour maintenant ? Avant il y avait des
orties, des ronces qui auraient déchiré sa robe. La cour était boueuse et les
roues des charrettes s’engorgeaient jusqu’aux essieux les jours de pluie. Elle
y aurait taché ses bottines. J’ai fait aussi remplacer cette marche que le gel
avait fendue pour qu’elle ne torde pas ses jolies chevilles. On a couvert à
neuf le château. Je n’avais pas envie qu’il pleuve sur son beau visage quand
elle redormira près de moi dans notre chambre. Vous me direz : « Ce
n’est pas du travail de Mansart », mais quand même ! Et le parc
derrière, venez voir le parc.
    Le marquis,
courbatu et se tenant les reins, entraîne le peintre et lui fait
l’article :
    Regardez, tout
fut débroussaillé. Tout est tondu, gratte, propre, tout est disposé à la
recevoir pour qu’elle promène dans l’herbe sa gracieuse silhouette. Ce n’est
pas un jardin de Le Nôtre mais... il possède quand même six orangers dans des
caisses ! Ça lui rappellera la où elle habitait. Elle ne se sentira pas
trop dépaysée. Et vous avez vu, au centre de la pelouse, le petit bassin
circulaire avec son jet d’eau ? Il ne monte pas très haut. On ne peut pas le comparer aux grandes
eaux du bassin d’Apollon. Malgré tout, il est bien, hein ?... avec une,
oui une seule... mais une statue de Vénus, aux traits de Françoise, que j’ai
commandée à Toulouse. Ah, le sculpteur n’est pas Girardon... mais de la bouche
entrouverte jaillit le jet où elle pourra venir se désaltérer. C’est de l’eau
très pure que je fais venir d’une source à six lieues d’ici par un emboîtage
souterrain de tuyaux de poterie. Sortie d’entre les lèvres de Vénus-Françoise,
elle alimente ensuite les douves. Ces pièces stagnantes sont maintenant
assainies, poursuit Montespan en s’étirant et reconduisant le peintre devant le
castel. Ainsi plus de moustiques cruels pour sa peau délicate ni, à ses
sensibles narines, d’odeurs croupissantes qui montaient jusqu’aux fenêtres, les
jours de fortes chaleurs et lui auraient donné des nausées. Les fleurs
repoussent. On en mettra des bouquets à l’intérieur de toutes les pièces. Je
pense qu’elle sera heureuse...
    Du mitan de la
cour, on entend des voix aux tonalités exagérées s’exclamer dans l’ancienne
salle des gardes à la porte fermée que le marquis, épongeant son front, ouvre
en commentant au peintre :
    — J’ai aussi
voulu qu’elle ait son théâtre. Elle aime tellement ça. Ah, ce n’est pas la
Comédie française  – il n’y a que huit

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