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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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chaises en bois blanc que j’ai fait
couvrir de peinture dorée  – mais elle pourra y applaudir lesreprésentations
des troupesde passage jouant à domicile pour deux cent cinquante
livres.
    Louis-Henri
tend verticalement un index sur ses lèvres et chuchote :
    — Là, ils
répètent... certes pas une pièce de Corneille mais... Entrez et observez lesmurs que j’aimerais que vous décoriez de fleurs, de rinceaux, d’acanthes.
J’imaginais un ensemble camaïeu de rouge capucine et de gris bleuté. Est-ce que
ce serait possible ?
    — Bien
sûr, quoique..., prévient le peintre modeste en souriant, ce ne sera évidemment
pas du Le Brun !
    — Aucune
importance, et dans notre chambre je voudrais un plafond de gypseries
représentant les symboles de l’amour : carquois et flèches, cupidons, mais
asseyons-nous, je suis fatigué, et écoutons cette comédie  – un petit
marquis, courtisan à Versailles, s’apprête à épouser le sac de pistoles qu’une
usurière donne en dot à sa fille benjamine. Et il fait par avance l’éducation
de celle-ci, très étonnée.
    Par-dessus des
planches posées sur des tréteaux, la jeune comédienne en fond de scène s’avance
vers un acteur tout en rubans et elle se pose les poings sur les hanches.
    — Elle
n’est pas coiffée à la hurluberlu, souffle et regrette Montespan à l’oreille du
peintre, mais...
    — Elle
est coiffée à la Fontanges, répond le décorateur.
    — Qui ?
    La comédienne,
aux cheveux longs coulant sur les épaules et dans son rôle, s’étonne à son
tour :
     
    BENJAMINE
     
    — Et-ce
qu’il y a donc du mal à aimer son mari ?
     
    MARQUIS
     
    —  Du
moins, il y a ridicule. À la cour, un homme se marie pour avoir des héritiers,
une femme pour avoir un nom ; et c’est tout ce qu’elle a de commun avec
son mari.
     
    BENJAMINE
     
    —  Se
prendre sans s’aimer ! Le moyen de pouvoir bien vivre ensemble !
     
    MARQUIS
     
    —  On y
vit le mieux du monde, en bons amis. On ne s’y pique ni de cette tendresse, ni de
cette jalousie qui dégraderait un homme comme il faut. Un mari, par exemple,
rencontre-t-il l ’amant
de sa femme : « Hé ! bonjour, mon cher chevalier ! Où
diable te fourres-tu donc ? Il y a un siècle que je te cherche. Mais, à
propos, comment se porte ma femme ? Êtes-vous toujours bien
ensemble ? Elle est aimable au moins ? Eh ! d’honneur, si je
n’étais pas son mari, je sens que je l’aimerais. D’où vient donc que tu n’es
pas avec elle ?... Ah, je vois, je vois... Je gage que vous êtes brouillés
ensemble. Allons, allons, je vais lui envoyer demander à souper pour ce
soir ; tu y viendras et je veux te raccommoder avec elle. »
     
    BENJAMINE
     
    —  Je
vous avoue que tout ce que vous me dites me paraît extraordinaire.
     
    MARQUIS
     
    —  Je le
crois facilement. La cour est un monde bien nouveau pour qui ne l’a jamais vue
que de loin. Pour nous, nous y sommes à l’aise parce que nous sommes les
naturels de ce pays.
     
    Montespan
applaudit des deux mains, prenant son voisin décorateur à témoin : « Ce
n’est pas mal, hein ? » La porte de l’ancienne salle des..., du
« théâtre », s’ouvre sur la cuisinière portant un nourrisson dans ses
bras. Elle cherche Cartet ou Dorothée afin de confier l ’ enfant langé, le
temps pour elle de repasser.
    — Je vais
la prendre, propose le Gascon. Viens, Marie-Christine...
    La nuque au
creux du coude du cocu, la toute petite fille a le bout du nez pointu de
Lauzun. Louis-Henri lui fait des risettes :
    — Françoise
aussi l’aimera beaucoup. Elle qui en a fait huit ou dix au roi adore les
nourrissons.
    — Votre
femme est un monstre.
    « Qu’est-ce
que vous dites ? Retirez ça !... » gronde le farouche Gascon
regardant soudain son décorateur comme s’il était un Turc à Gigeri, mais
l’autre ne se démonte pas :
    — Il y a
quelque chose de pourri dans l’Etat français, quelque chose pris par votre
femme dans les quartiers misérables de Paris s’est infiltré à Versailles...
    — Pourquoi
dites-vous ça ? !
    — La cour
nage maintenant dans une mer hystérique de sorcelleries, de poisons
grouillants, d’histoires de meurtres. La princesse de Tingry, la duchesse de
Bouillon, la comtesse de Soissons, le marquis de Cessac, la vicomtesse de
Polignac, la marquise d’Alluye, la duchesse d’Angoulême, le comte de Gassily,
le duc de Vendôme... ont été inculpés. Les spectateurs,

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