Le nazisme en questions
1935 et tout autant par l’acceptation de la remilitarisation de la Rhénanie ; à l’époque, il paraissait nécessaire de privilégier l’Empire par rapport au continent, en tout cas par rapport à l’Europe centrale qui ne présentait qu’un intérêt médiocre pour les Britanniques. Chamberlain allait durcir cette stratégie politico-diplomatique, en estimantque, si Hitler n’était qu’un parvenu, une Allemagne forte présentait du moins l’avantage d’offrir un barrage au déferlement des hordes bolcheviques.
La France de Daladier, le plus souvent à la remorque des événements, s’est laissé guider par sa « gouvernante anglaise » (la formule est de l’historien François Bédarida). Le premier réflexe de Paris était bien de vouloir défendre Prague ; mais son ralliement à la politique d’« appeasement » lui fera trahir son allié tchèque. Déchiré, Daladier finit par estimer qu’il fallait gagner le répit nécessaire pour renforcer l’armée française et lui permettre de faire face à la guerre. Il fit alors le jeu des « appeasers » français, que le ministre des Affaires étrangères Georges Bonnet, par conviction et encore plus peut-être par opportunisme, allait symboliser. Il soulignait qu’accepter le risque d’un nouveau conflit mondial serait un suicide géopolitique : il fallait faire la part du feu et se dégager au plus vite des alliances de revers.
Précisons que l’opinion penchait pour le refus de soutenir militairement la Tchécoslovaquie, voire pour son abandon à court terme. En France, les « bellicistes » (selon la dénomination perverse donnée par leurs adversaires) avaient à surmonter la peur quasi biologique d’un nouveau conflit européen, tant demeurait prégnant le souvenir de la Grande Guerre. Inutile de rappeler le soulagement viscéral d’avoir évité une nouvelle boucherie qui saisit ceux qui ne seraient pourtant que des Munichois d’un jour ou d’une semaine. Ajoutons qu’a pu peser la crainte de se retrouver dans le camp de communistes dont le ralliement à la politique de défense nationale en 1935 était trop récent pour ne pas être suspect.
On s’explique donc que, même s’ils étaient moins nombreux qu’on ne veut bien le dire, les pacifistes aient exercé une pression efficace. Reprenons brièvement leur typologie, puisqu’on distingue généralement parmi eux trois familles. En premier lieu, les pacifistes intégraux – ou presque – pour qui la Grande Guerre devait demeurer à jamais la « der des ders » ; on trouve parmi eux des intellectuels, tels Alain ou Giono, rejoints par un certain nombre de syndicalistes. En deuxième lieu, les pacifistes de conviction qui se réclamaient volontiers d’une analyse marxiste, des syndicalistes encore, et une fraction notable de la SFIO derrière Paul Faure – ceux-là se refusaient catégoriquement à entrer dans l’engrenage qui avait amené le déclenchement de la guerre de 1914.
Ces derniers étaient désormais rejoints par différentes sortes de « néo-pacifistes », demeurés quant à eux nationalistes et militaristes, mais animés par des considérations géostratégiques et idéologiques, dont l’antibolchevisme était le noyau dur ; ils estimaient que toute guerre menée en faveur des Tchèques contre l’Allemagne nazie serait idéologique, manipulée par Moscou voire par les Juifs, débouchant soit sur une défaite de la France soit sur la dévastation de l’Allemagne, ce qui signifierait l’écroulement des systèmes autoritaires, le principal rempart contre la bolchevisation de l’Europe. Déjà L’Action française , apôtre du nationalisme intégral, avait titré lors de la remilitarisation de la Rhénanie par l’« ennemi héréditaire » : « Surtout pas la guerre ! » Presque tous ces pacifistes d’occasion tombaient d’accord pour faire la part du feu en Europe centrale, tout en se repliant sur la ligne Maginot et sur l’Empire, tout en s’efforçant de prendrelangue avec l’Italie mussolinienne ; ils se refusaient en tout cas à sortir du pré carré pour porter secours aux Tchèques. Ces vues étaient partagées non seulement par la droite ultra mais encore par les néo-radicaux et les gros bataillons des partis de la droite classique.
Les esprits les plus lucides, même s’ils avaient cédé sur le moment au lâche soulagement de voir la paix sauvegardée, convinrent cependant très vite que les conséquences de
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