Le nazisme en questions
symboliques, etc., et massacres. Cela n’a encore rien à voir avec une politique d’extermination.
En 1938, on ne pouvait pas prévoir ce qui allait se passer à partir de 1942. Ce qui était devenu évident, c’était que le nazisme était passé à l’égard des Juifs à une brutalité accrue, et que le but était de les éliminer d’Allemagne. C’était l’aboutissement de toutes les persécutions antérieures, dans un crescendo de violence, mais une violence qui avait encore ses propres limites.
Pourquoi les démocraties n’ont-elles rien compris ?
Mettant fin à une semaine de tension extrême (les Français, le 24 septembre 1938, rappellent 753 000 réservistes et la Royal Navy, peu après, est mise en état d’alerte), les accords de Munich sont signés le 30 septembre à une heure du matin. Hitler, on le sait, obtenait, à quelques variantes près, ce qu’il avait exigé : il annexerait en dix jours les territoires tchèques dont la population était de langue allemande à plus de 50 % (soit plus du tiers de la Bohême-Moravie), sans avoir à garantir les nouvelles frontières du pays ainsi dépecé.
La classe politique et l’opinion des démocraties libérales qui avaient laissé mettre en pièces la Tchécoslovaquie avaient estimé que le maintien de la paix était préférable à tout. Moins d’un an plus tard, quand Français, Anglais et Allemands rechaussaient leurs bottes, le Reich était en bien meilleure posture. Aurait-il donc été préférable d’arrêter Hitler en septembre 1938, au prix de la guerre ? La réponse, aujourd’hui, va de soi, tant les retombées de Munich ont été désastreuses pour les démocraties libérales, notamment en confortant le pouvoir charismatique du Führer. Mais pouvait-on le faire ? La réponse est incommode car l’historien raisonne rarement avec des « si ».
Il est sans doute plus facile de se demander d’abord si Hitler était prêt à affronter un conflit qui risquait de devenir européen. C’est vraisemblable. Il n’excluait pas de mettre à mal l’Europe de Versailles sans coup férir ; mais il acceptait parfaitement les risques de la guerre qui forgerait un homme nouveau. En tout cas, si l’on en croit le protocole Hossbach, du nom de son officier d’ordonnance qui rédigea le compte rendu de la réunion tenue le 5 novembre 1937 entre Hitler et les hauts responsables de la Wehrmacht, il proclamait vouloir compenser les insuffisances de l’économie de l’Allemagne nazie grâce à l’occupation, par la force armée si nécessaire, d’un espace vital indispensable, où se trouvaient la Tchécoslovaquie, l’Autriche, voire la Pologne et l’Ukraine.
Sans doute une bonne partie des généraux allaient-ils regimber, soulignant les difficultés que la jeune Wehrmacht aurait à affronter : le réarmement intensif n’avait commencé que depuis les premières semaines de janvier 1938, la Kriegsmarine était en pleine réorganisation, la Luftwaffe ne possédait pas de bombardiers stratégiques à long rayon d’action, le « Mur de l’Ouest » (la ligne Siegfried) n’offrirait qu’une résistance médiocre, etc. Mais Hitler balaya ces objections, tança – et de quelle manière ! – les opposants, les traita de défaitistes et d’incapables. Il était décidé à faire sauter le verrou tchèque qui commandait la Mitteleuropa, à « écraser par la force des armes » un pays symbolisant à lui seul le traité de Versailles abhorré.
II est par ailleurs difficile de dire combien de temps aurait pu tenir l’armée tchèque, pour le cas où la conférence de Munich aurait échoué. Comme nous connaissons la suite des événements et ce qu’allait être lacavalcade triomphante de la Wehrmacht en Pologne en 1939 puis durant la campagne de France en 1940, on serait tenté d’affirmer que les forces du Reich n’en auraient fait qu’une bouchée. On peut pourtant en douter. Il convient en effet de faire remarquer que la stratégie du Blitzkrieg (« guerre éclair ») n’avait jamais été programmée, que 80 % des forces allemandes n’étaient pas motorisées à l’époque, enfin que Hitler et ses généraux hésitaient sur la mise en œuvre du « Plan vert » d’invasion de la Tchécoslovaquie.
Reste que les Tchèques étaient vulnérables : ils avaient à défendre une frontière de 4 000 kilomètres dont, depuis l’Anschluss, 2 000 avec le seul Reich (la France pour sa part n’avait à monter
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