Le pays de la liberté
Je sais que vous avez toujours voulu me prendre l'affaire familiale et la donner à ce petit salopard.
- Tout ce que je veux pour Jay, répliqua-t-elle, c'est un partage équitable.
- Robert, intervint Sir George, tu comprends bien que cela pourrait signifier la banqueroute pour nous tous.
- Pas pour moi, dit-il, triomphant. J'aurai toujours une plantation.
- Mais tu pourrais avoir tellement plusª, dit Sir George.
Robert prit un air retors. ´Très bien, je suis d'accord - à une condition : que vous me cédiez le reste de l'affaire, je veux dire tout. Et que vous preniez votre retraite.
- Pas question ! s'écria Sir George. Je ne vais pas prendre ma retraite: Je n'ai même pas cinquante ans ! ª
Ils se dévisagèrent. Robert et Sir George : Jay songea à quel point ils se ressemblaient. Ni l'un ni l'autre ne voulaient céder, il le savait, et il sentit son cúur se serrer.
C'était une impasse. Ces deux hommes obstinés étaient dans une situation sans issue et, à eux deux, ils allaient tout g‚cher: le mariage, l'entreprise et l'avenir de la famille.
Mais Alicia n'était pas prête à s'avouer vaincue. ´qu'est-ce que cette propriété en Virginie, George?
- Mockjack Hall: c'est une plantation de tabac d'environ mille arpents avec une cinquantaine d'esclaves... ¿ quoi pensez-vous?
- Vous pourriez donner cela à Jay. ª
Jay sentit son cúur bondir. La Virginie ! Ce serait le nouveau départ dont il rêvait : loin de son père et de son frère, avec un endroit à lui qu'il pourrait gérer et cultiver. Et Lizzie sauterait sur l'occasion.
Sir George plissa les yeux. ´Je ne pourrai pas lui 194
donner un penny, dit-il. Il devra emprunter ce qu'il lui faudra pour faire tourner la propriété.
- «a m'est égalª, s'empressa de dire Jay.
Alicia intervint. ´ Mais vous devriez payer les intérêts sur l'hypothèque de Lady Hallim : sans cela, elle risquerait de perdre High Glen.
- Je peux le faire avec le revenu du charbon. ª Père poursuivit, étudiant tout haut les détails : ÍI faut qu'ils partent le plus vite possible pour la Virginie : dans quelques semaines.
- Laissez-leur au moins trois mois ª, protesta Alicia. Il secoua la tête.
´J'ai besoin du charbon plus tôt
que cela.
- Faisons au mieux. ª
Jay était très nerveux. L'idée qu'on dupe ainsi Lizzie lui pesait. Si elle découvrait la vérité, c'est lui qui subirait sa colère. Ét si quelqu'un lui écrit?ª dit-il.
Alicia parut songeuse. Ś'il le faut, nous congédierons les domestiques de High Glen House.
- «a pourrait marcher, fit Sir George. Très bien... nous allons faire cela. ª
Alicia se tourna vers Jay avec un sourire de triomphe. Elle était parvenue à lui faire obtenir sa part d'héritage. Elle le prit dans ses bras et l'embrassa. ´Béni sois-tu, mon cher fils, dit-elle. Maintenant va lui dire que ta famille et toi êtes absolument navrés de cette erreur et que finalement ton père t'a offert en cadeau de mariage Mockjack Hall. ª
Jay étreignit sa mère en murmurant : ´ Bien joué, Mère... merci.ª
II sortit. Il traversa le jardin, rempli tout à la fois de jubilation et d'appréhension. Il avait enfin ce qu'il avait toujours voulu. Mais c'était au prix d'une tromperie. Pourtant, s'il avait refusé; il aurait perdu la propriété et peut-être aurait-il perdu sa femme aussi.
Il entra dans la petite maison d'amis. Lady Hallim et Lizzie étaient assises auprès d'un feu de charbon qui fumait un peu dans le modeste salon.
Toutes deux avaient pleuré.
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Jay éprouva soudain la dangereuse envie de dire la vérité à Lizzie. S'il lui révélait la supercherie de ses parents, lui demandait de l'épouser et de vivre dans la pauvreté, peut-être dirait-elle oui.
Mais le risque lui fit peur. Et c'en serait fini de leur rêve de partir pour un pays nouveau. Parfois, se dit-il, mentir était plus charitable.
Allait-elle le croire ?
Il s'agenouilla devant elle. Sa robe de mariée embaumait la lavande. ´Mon père est absolument désolé, dit-il. Il a envoyé les géologues pour me faire une surprise : il croyait que nous serions ravis de savoir qu'il y avait du charbon sur vos terres. Il ignorait à quel point vous étiez opposée à ce qu'on l'exploite. ª
Elle paraissait sceptique. ´ Pourquoi ne le lui aviez-vous pas dit ? ª
II ouvrit les mains dans un geste d'impuissance. ÍI ne m'a jamais posé la question. ª Elle avait toujours un air obstiné, mais il avait encore une carte dans sa manche. Ét puis,
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