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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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attention à lui si on lui réservait un mauvais sort. Il essaya en vain de se rappeler la phrase que lui avait citée Hugues sur la hâte et l’erreur, et marmonna le nom qu’il avait retenu :
    — Hérodote.
    — Que dis-tu ?
    — Y s’appelle Hérodote, fit Bertil qu’un reste de loyauté rattachait encore à Hugues.
    — Et moi, Socrate ! repartit l’autre dont la bouche se tordit d’une grimace. T’ont-ils dit d’où ils venaient ?
    — Non. Mais l’un d’eux est allé jusqu’à Jérusalem.
    — Leurs noms ?
    — J’vous l’ai déjà dit...
    Le gamin n’eut pas le temps de finir sa phrase, il se sentit soulevé de terre. L’autre lui serrait le cou. Il agita désespérément jambes et bras. Plus il se débattait, plus l’étreinte se resserrait. Des étoiles passaient devant ses yeux.
    — Je n’ai pas été assez clair ? Je veux bien croire que ce nom a été prononcé par l’un d’eux, gronda l’autre, mais ce n’est pas le leur et tu le sais aussi bien que moi.
    L’enfant suffoquait.
    — Je t’écoute, fit l’homme en le laissant tomber sur le sol.
    L’enfant toussa et frotta sa gorge douloureuse avant de se remettre sur ses pieds en vacillant.
    — J’ai entendu qu’les prénoms, messire, mentit Bertil. Hugues et... Tancrède.
    — Hugues, Tancrède, répéta l’autre. Rien d’autre ?
    — Non, j’le jure.
    — Que faisaient-ils ici ?
    — Voir la foire, les loges, les étals. Par la bonne Dame, c’est vrai, j’leur servais de guide.
    — Et où logent-ils ? À Lessay ?
    — Non...
    L’enfant hésitait, partagé entre l’envie de gagner la pièce d’or et celle de mentir à celui qui l’avait à nouveau saisi brutalement par le col.
    — Un château dans le coin, lâcha-t-il, Pirou.
    — C’est loin ?
    — Non, faut prendre la route de Coutances et après le moulin, on part dans la lande, le château l’est près des mielles de sable et la mer.
    L’homme le lâcha, et lui donna une bourrade qui l’envoya rouler à terre.
    — Tu as répondu à mes questions, tu m’as menti aussi, mais comme je suis large, je vais quand même te faire un cadeau.
    Les yeux de l’enfant s’allumèrent. Il s’essuya et se redressa, restant à distance de cet inquiétant client alternant promesses et menaces.
    — Te rappelles-tu pourquoi Hugues, car ce devait être lui, t’a cité Hérodote ?
    — Euh, oui... Aller trop vite en besogne...
    — N’en dis pas plus ! « La hâte en tout engendre l’erreur et de l’erreur sort bien souvent le désastre. » Dans ta hâte aujourd’hui, tu as perdu une pièce d’or et tu as failli avoir la gorge tranchée ! File maintenant et ne t’avise plus jamais de te trouver en travers de mon chemin !
    Le gamin ne se le fit pas dire deux fois et partit en courant de toute la force de ses petites jambes.

LA RACINE DE FOLIE

28
    Deux jours avaient passé depuis la mort de Muriel. Deux jours pendant lesquels chacun s’était replié sur soi.
    Serlon s’enfermait dans la grande salle, passait ses nuits dans les souterrains et prenait ses repas seul. Il avait suspendu ses entretiens avec Hugues qui faisait désormais des rondes sur les remparts, observant la lande et la mer d’un air soucieux et questionnant les hommes du guet. Depuis qu’ils avaient croisé les cavaliers venus d’Orient, il n’était plus le même.
    Pour essayer d’échapper à cette atmosphère lourde, et parce que Hugues lui avait demandé de ne plus quitter le château, Tancrède se battait chaque jour avec le maître d’armes quand il ne s’entraînait pas au tournoi avec la quintaine, ce mannequin de bois pivotant sur un épieu, portant d’un côté un écu, de l’autre un gourdin. Il frappait le bouclier de son épée, évitant avec souplesse les coups qui venaient en retour. Il était le meilleur à l’arc et à l’arbalète, mais n’avait plus qu’une envie désormais, partir. Peu lui importait le sort de Serlon ou celui d’Aubré ! Quand il montait sur les remparts, il ne contemplait plus que la mer et s’obstinait à penser que son destin était par là, sur cette prairie liquide où glissaient les baleines. Et si lui aussi, il partait comme ce bateau de sel qui allait bientôt lever l’ancre ?
    Ranulphe n’avait toujours pas regagné ses terres, ni Aubré la clôture de sa lointaine abbaye.
    Clotilde suivait son frère qui l’entraînait dans de longues marches sur la grève balayée par le vent. Sigrid

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