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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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côté en bombant le torse, fier d’escorter des étrangers si singulièrement vêtus à travers le camp.
    Ils passèrent devant des étals de vannerie. Des marchands venaient du voisinage, d’autres de Rouen, de Vindefontaine ou de Coutances. La foire se divisait en rues : la rue aux drapiers, aux potiers, aux dinandiers ; la rue du lait, où l’on vendait les cannes d’argile remplies de mousse blanche, la rue de la volaille...
    — J’aimerais trouver cet Aubré, confia Hugues à Tancrède, je crois qu’il est resté ici, tout comme Bjorn d’ailleurs.
    Tancrède se contenta de hocher la tête, il était assourdi par les cris des marchands et des ouvriers, les mugissements du bétail dans les enclos, le grincement des roues des charrois dans les allées.
    Près du portique d’entrée, dont les mâts étaient ornés de bandes de couleurs, avaient pris place taverniers et rôtisseurs. Ils avaient creusé des séries de tranchées parallèles. Sur les remblais, les valets disposaient des planchettes servant de tables et des draps pour que les clients s’assoient.
    On avait enfilé les moutons sur la broche. Les gigots tournaient et des odeurs de viandes grillées, de saucisses et de galettes se répandaient sur le champ de foire.
    Des marchandes de Lessay criaient les rissoles et le cidre moratum fait avec les mûres des ronciers. L’heure de midi approchait et ouvriers, valets et artisans lorgnaient vers les tables improvisées où s’attablaient les premiers clients.
    Les tonneaux de cervoise et de vin étaient en perce, les moques de cidre posées sur les remblais. Les taverniers criaient aux passants que leurs vins servaient « à digérer le rôti ».
    Tancrède et Hugues, toujours escortés du jeune Bertil, étaient arrivés non loin du camp des hospitaliers.
    Le gonfanonier avait planté son étendard dans le sol à l’entrée d’une grande tente de toile goudronnée. Les chevaliers du Christ, au nombre d’une dizaine, surveillaient l’installation des dinandiers qu’ils avaient escortés jusque-là. Vêtus de leurs amples manteaux noirs marqués d’une croix blanche, ils allaient et venaient entre les tables à tréteaux, discutant entre eux.
    — Vous voulez que je vous présente, mon sire ? demanda Bertil. Y a un des chevaliers noirs qui m’aime bien... J’ai même pensé à devenir comme eux, savez ?
    — Chevalier de l’Hôpital ? Et tu n’y penses plus ?
    — Oh, que si ! Mais c’est mon père qu’est point d’accord. Comme je suis point bête, y préférerait que je reste à l’aider. Mais moi, j’aimerais bien avoir un manteau comme ça et une épée. Peut-être même des bottes comme vous, elles sont belles vos bottes ! Et j’irais combattre les Maures, moi aussi...
    L’enfant s’arrêta net et rougit jusqu’aux oreilles. Il avait soudain eu l’idée que peut-être...
    Il demanda :
    — Vous n’êtes pas maure, n’est-ce pas ?
    — Non, Bertil. Mais je viens d’Orient comme eux.
    — D’Orient ? Pour de vrai ?
    — Oui.
    — Par la bonne Dame ! Alors, Jérusalem, vous l’avez vu avec vos yeux ?
    — Oui, répondit Hugues que la fougue du gamin amusait.
    Le petit s’était tu, les yeux brillants, perdu dans ses rêves.
    Tancrède, qui avait noté l’agitation d’un groupe d’enfants courant vers l’entrée du champ de foire, remarqua de nouveaux arrivants. Montés sur des palefrois bruns, la tête nue, richement vêtus, les cavaliers portaient presque tous de longues capes écarlates rehaussées de fourrure de vair et de petit-gris. Attirés comme des mouches par le miel, les gens s’agglutinaient autour d’eux.
    — Qui sont ceux-là ? demanda-t-il en les désignant à Hugues.
    Celui-ci regarda dans la direction indiquée et se rembrunit.
    — Vous m’avez pas dit si vous voulez voir les hospitaliers, fit Bertil qui s’était arraché à regret à ses rêves de conquêtes.
    — Je crois que nous en avons assez vu.
    — Mais nous venons à peine de commencer.
    — Ça ira.
    La voix d’Hugues était sèche.
    — Vous habitez où ? demanda le garçon.
    — A Pirou, fît Tancrède avant qu’Hugues ait pu l’arrêter.
    — Retournons à ton campement ! ordonna l’Oriental en attrapant le gamin par le bras.
    — Et notre moine blanc, ne devions-nous pas le chercher ? demanda Tancrède qui ne comprenait pas le soudain changement d’humeur de son maître.
    Alors qu’ils discutaient, les cavaliers, suivis par une meute

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