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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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font obstacle.
    — Emilio ! s’écria Pietro, la gorge sèche.
    Il comprit. Il ne savait comment, mais Emilio était tombé dans le piège avant lui; peut-être par l’intermédiaire d’un billet identique à celui que Pietro avait reçu chez Contarini. Quant à celui-ci, la Chimère avait dû contraindre Emilio à l’écrire, avant de le torturer, de la même façon qu’il l’avait fait pour Marcello Torretone ou le père Caffelli. Une vague de fureur submergea Pietro ; sans plus réfléchir, il se jeta d’un bond en avant, l’épée dans une main, le pistolet dans l’autre. En un éclair, il fut sur son ennemi. Il n’attendit pas davantage pour pourfendre il Diavolo, en laissant échapper un cri.
    — Meurs ! Meurs donc !
    Il retira l’épée, en entendant un bruit mat. Hébété, il vit la cape noire tomber sur le sol. Un casque métallique roula à ses pieds, un bâton entouré de foin se brisa.
    Un pantin. Un vulgaire pantin !
    De nouveau, un rire retentit partout autour de lui.
    — Vous me décevez, mon ami. J’attendais mieux de l’Orchidée Noire... Vous êtes bien en deçà de votre réputation.
    Pietro n’eut pas le temps de prendre toute la mesure de son erreur; l’ennemi jaillit de l’ombre d’un pilier, se faufilant d’un trait vers l’autel, et se jeta sur lui. Pietro reçut un violent coup sur le crâne. Durant une seconde, il resta debout, vacillant, l’air égaré. Puis il se sentit aspiré par un noir siphon et, d’un coup, ses jambes l’abandonnèrent. Il s’effondra, son corps roula au pied des quelques marches de l’autel, le pistolet et l’épée lui échappèrent des mains.
    La silhouette encapuchonnée s’avança au-dessus de lui.
    — Ah, Viravolta... A présent que vous êtes à ma merci, vous mériteriez que j’en finisse avec vous... Mais soyez heureux...
    Elle s’agenouilla, lui caressant le visage.
    — Vous faites encore partie du plan. Pietro, vous êtes l’instrument, le coupable suprême et le bouc émissaire de la Justice.
    Elle poussa de nouveau un grand rire, en songeant au fleuve, au fleuve bouillant de sang où se noyaient les damnés.

    Lorsque Pietro se réveilla, une grande confusion régnait à l’intérieur de la basilique, à présent illuminée; il sentit que deux soldats le prenaient sous les aisselles pour le redresser de force. Il reçut successivement de l’eau, puis une gifle en plein visage. Comme dans un cauchemar, il vit le visage affolé de Landretto et, plus loin, celui d’Antonio Brozzi, qui dansait devant les toiles profanées de Dampierre.
    — Allons ! Emmenez-le aux Plombs, et qu’il ne quitte plus sa cellule !
    — Mais... Emilio...
    Il voulut jeter un regard par-dessus son épaule, en direction de l’autel. Il repéra vaguement le reste de l’épouvantail de foin qui avait simulé la présence de l’ombre ; la chaise où se trouvait naguère Emilio était vide : seules restaient les traces de sang et les cordes, à présent détendues, qui jonchaient le sol. Pietro fut vigoureusement entraîné malgré les protestations de Landretto. A ses oreilles, une voix hurlait :
    — Qu’avez-vous fait d’Emilio Vindicati ? Vous êtes coupable, coupable !
    Luttant contre un nouvel évanouissement, Pietro fut sorti sans ménagement de la basilique San Marco. Au-dehors, l’aube rose et orangée déchirait le ciel d’un jour nouveau.
    On retrouva les lambeaux de vêtements ayant appartenu à Emilio Vindicati quelques heures plus tard, dans l’un des canaux de Venise. Le Doge, déconcerté et atterré par ce coup du sort incompréhensible, fut avisé de l’affaire au moment même où l’on mettait de nouveau Pietro en prison et où, l’oeil narquois, le gardien Lorenzo Basadonna l’accueillait avec onctuosité, en se fendant d’un rictus :
    — Heureux de te revoir... ma petite fleur.

SIXIÈME CERCLE

CHANT XVI
    Dité
    Les Plombs.
    Une fois encore.
    Peut-être pour toujours – ou jusqu’à une exécution publique.
    Et dehors, l’insaisissable Chimère continuait de courir.
    Pietro se sentait vaincu. Par bonheur, on ne l’avait pas mis dans les Puits, les Pozzi , au rez-de-chaussée du palais, où se trouvaient les pires cellules. Là croupissaient les condamnés les plus malchanceux, dans ces cachots sans lumière. Au milieu de la crasse et du salpêtre, ils souffraient de l’ acqua alta et de la raréfaction de l’air. Avec, pour seule échappatoire, les souvenirs de leur vie extérieure, et les invocations aux

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