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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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la plus enthousiaste, relevait de l’exploit. Pietro n’était pas loin de vouloir donner à la belle la correction qu’elle méritait, et de la forcer à s’abandonner avant qu’à son tour elle ne le prie d’assouvir ses désirs, se départant une fois pour toutes de ses préventions et de ses minauderies. Au lieu de cela, il devait l’entretenir de conspiration et de crucifixion.
    Je ne sais pas si cela pourra durer très longtemps.
    Il était assis en face d’elle, dans un fauteuil de velours mauve, ses doigts tapotant les accoudoirs; elle, allongée à demi sur le divan, regardait de temps en temps vers les fenêtres ouvertes sur le balcon et le bruissement du Grand Canal. Un exemplaire du Miles gloriosus de Plaute, ouvert, traînait négligemment à côté d’elle.
    Pietro avait délaissé son cache-oeil et, pour l’occasion, s’était grimé d’une cicatrice courant sur sa joue droite. Une boucle pendait à son oreille, du même côté. Il portait un veston blanc et or, et des gants de mêmes couleurs. Il avait posé non loin son chapeau sombre.
    Il croisa les jambes.
    — Qu’avez-vous fait au cours de la nuit d’avant-hier?
    Sourire. Elle souffla, balayant une mèche qui tombait de son front; une mèche blonde, de cette blondeur toute vénitienne, presque rousse, obtenue après de languissantes expositions au soleil sur son altana. Ici, les femmes avaient coutume, sur leur balcon, de couvrir leur tête d’un grand chapeau de paille, dont la coiffe avait été ôtée; elles maculaient leurs cheveux de jus de rhubarbe, dont l’acidité, brûlant sous le jour, finissait par leur donner cette coloration si particulière.
    — Que fait la nuit une femme comme moi, selon vous ?
    La bouche sèche, Pietro esquissa un sourire forcé.
    — Ne seriez-vous pas allée, par hasard, assister à la représentation de Goldoni au théâtre San Luca ?
    Main sur ses pommettes rouges, puis sur sa gorge, caressant négligemment un pendentif en forme de dauphin. Nouveau sourire.
    — Ah... Une allusion à Marcello, sans doute. Je vois que vous êtes bien renseigné. Non, à la vérité, cette nuit-là, je faisais relâche. Je suis restée seule ici à me reposer, une fois n’est pas coutume.
    — Seule, vraiment ?
    Pietro sourit.
    — Luciana, parlez-moi du sénateur Giovanni Campioni. Je me suis laissé dire que, tout comme Marcello, il faisait partie de vos habitués...
    Elle eut un moment de surprise, mais se rattrapa aussitôt par un rire clair.
    — Décidément, rien n’échappe à la sagacité de la République !
    — Surtout pas le comportement de ses plus dignes représentants. Notre illustre sénateur était-il avec vous ce soir-là ? Serait-il prêt, selon vous, à confirmer... votre alibi ?
    Elle fronça les sourcils.
    — Aurais-je besoin d’un alibi? Je crains de ne pas comprendre. Peut-être serait-il temps que vous m’expliquiez la raison exacte de votre venue.
    Elle replia l’une de ses jambes, laissant sa robe remonter jusqu’au genou. Un bref coup d’oeil suffit à Pietro pour deviner une dentelle blanche qui accentua sa frustration. Le dérivatif était tout trouvé. Il chercha dans la poche de son manteau, ouvrit un linge et lui mit sous le nez la broche d’or.
    — Reconnaissez-vous cet objet ?
    Elle eut un cri de stupéfaction. Elle se saisit aussitôt de la broche et l’examina avec attention.
    — C'est à moi, en effet! Giovanni a fait créer ce bijou à mon intention par un orfèvre du Rialto... Oui, c’est ma broche, à n’en pas douter, voyez ces initiales! On me l’a volée il y a quelques jours à peine. J’étais incapable de remettre la main dessus; vous imaginez mon trouble, je craignais beaucoup de vexer Giovanni... Mais où l’avez-vous trouvée ?
    — Pardonnez-moi de jouer les oiseaux de mauvais augure... mais cette broche a été trouvée sur les lieux d’un crime. Auprès du cadavre de Marcello Torretone.
    Elle se tut, ouvrant tout grand ses yeux de biche. Un dé-lice. Qu’elle fût une excellente comédienne ou qu’elle accusât le choc sans feinte, elle mit de longues secondes avant d’articuler convenablement.
    — Marcello... Mort ? Comment cela est-il arrivé ?
    — On l’a assassiné.
    — Seigneur...
    Nouveau silence.
    — Mais... que lui est-il arrivé exactement ?
    Pietro pinça les lèvres.
    — Je vous fais grâce des détails, Signora , qui n’ont rien de bien réjouissant.
    — Qui a pu faire cela ?
    — C'est précisément ce que je

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