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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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Allonge.
    — Messieurs, autant vous le dire. Je crois que même aveugle, je pourrais vous rosser tous les quatre. Filez, et je ne vous ferai pas de mal. Vous vous en tirerez à bon compte.
    Ils éclatèrent de rire.
    — L'entendez-vous ?! A genoux, chevalier. Et donne tes sequins.
    — Je me vois dans l’obligation de réitérer ma mise en garde.
    — Réitère ce que tu veux, mais libère-toi de ta bourse.
    L'homme s’avançait, menaçant.
    Bien! songea Pietro. Après tout, un peu d’exercice ne nous fera pas de mal.
    Il redressa le buste et, lentement, ouvrit les pans de son manteau, qu’il laissa choir derrière lui. Il découvrit l’épée et les pistolets à son flanc.
    Un instant, ses adversaires marquèrent une hésitation.
    Pietro porta la main au pommeau de son arme.
    Les brigands s’approchaient toujours, se refermant sur lui.
    — Bien... Par égard pour vous, je ne me servirai que de mon épée, dit Pietro.
    Il dégaina. La lame étincela brièvement à la lumière de la lune, tandis que les quatre faux Seigneurs de la nuit fondaient sur lui. Tout, alors, se passa très vite. Il y eut deux éclairs, l’épée fendit l’espace. Le premier homme masqué fut profondément touché à l’épaule et lâcha son gourdin. La dague du second décrivit dans l’espace un arc de cercle en compagnie de trois doigts que Pietro venait de trancher. Puis il tourna sur lui-même, en fléchissant les genoux ; il évita un coup adverse, qui alla se perdre dans le vide, et lacéra les jarrets du troisième. Enfin il se redressa subitement et, continuant de tournoyer, usant d’une botte dont il avait le secret, il dessina sur le front du quatrième une étoile qui fit instantanément couler le sang. L'homme en perdit son masque. Il loucha un instant et, davantage du fait de la terreur que de la douleur, après avoir chaviré une ou deux secondes, il s’effondra aux pieds de Pietro, évanoui.
    Maintenant les quatre hommes étaient à terre, qui la main crispée sur son épaule, qui hurlant et cherchant ses doigts manquants, ou comprimant le sang qui lui jaillissait des mollets. Sans parler du chef de ces brigands, parti quant à lui vers des cieux plus cléments, au seuil de son étourdissement.
    Pietro sourit. Il ramassa son manteau et prit la fleur à sa boutonnière. Il s’approcha de celui qui se tordait de douleur en serrant ses jambes ensanglantées. Ce dernier cessa momentanément de hurler en levant les yeux vers son vainqueur. Pietro laissa tomber la fleur, qui chut à côté de l’homme en tournoyant.
    Il fit volte-face et s’en fut.
    L'homme, les yeux écarquillés, regardait la fleur. En signature.
    Elle lui disait : l’Orchidée Noire est passée.

DEUXIÈME CERCLE

CHANT IV
    Les Luxurieux
    Luciana Saliestri n’était pas l’une de ces nobles dames que Venise se plaisait parfois à offrir aux regards dans les réceptions officielles, comme lors de la visite d’Henri III, lorsque la République, non contente de dérouler son faste politique, y ajoutait le piquant d’un défilé de jolis minois, autre mamelle de la Réputation. Non, Luciana était une courtisane de luxe au destin mouvementé. Elle se targuait d’écrire des vers et de philosopher, tout en portant le masque pour déployer les trésors de sa sensualité. Usant d’un charme trouble, elle incarnait à la fois l’érudite et la putain, la lie du peuple et le fleuron d’une jeunesse raffinée. Comme les filles de mauvaise vie, elle tombait sous le coup de tous les interdits imposés par le pouvoir; dans les faits, une tolérance de bon aloi et la protection tacite des puissants lui permettaient de contourner allègrement les foudres gouvernementales. A elle seule, elle représentait, d’une certaine façon, une institution : si elle vendait son corps, c’était pour le plaisir de voyageurs importants, pour faire bonne mesure dans le négoce d’affaires de premier plan, ou pour soulager les politiques de leurs soucis quotidiens. Les inquisiteurs poursuivaient bien les prostituées, mais ils allaient chasser les pauvrettes du campo San Polo, des galeries de San Marco ou de Santa Trinità ; elle, veuve à vingt-deux ans d’un richissime marchand de tissus dont l’avarice avait fait le tour de Venise, se promenait aux abords des jardins du palais ducal en entretenant à plaisir toutes les ambiguïtés de sa condition. Charmante, elle l’était : un visage ravissant, une mouche au coin des lèvres, des yeux de biche, un corps

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