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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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beaucoup de sa virulence, il eût été vain de demander à un pêcheur de Southern Creek de mettre sa barque à l'eau pour reconduire Ounca Lou sur son îlot.
     
    – Il existe un moyen, si le vent n'a pas détruit le va-et-vient que j'utilise pour passer sur Buena Vista, dit Charles.
     
    – Allons voir ! acquiesça Tilloy.
     
    On crut décent d'habiller la naufragée. Elle endossa une chemise et enfila un pantalon prêtés par Desteyrac, puis suivit les deux hommes. Le trio gravit sous la pluie, maintenant moins cinglante, le sentier conduisant au plateau. Les câbles du va-et-vient avaient résisté et la nacelle, une fois vidée de l'eau qui s'y était accumulée, se révéla utilisable.
     
    – Je dois d'abord faire un passage pour être certain que les câbles mouillés ne se distendront pas. Puis Tilloy tirera la nacelle pendant que j'irai annoncer à lady Lamia que sa filleule est saine et sauve, dit Charles en grimpant dans la benne.
     
    Tilloy approuva et Desteyrac traversa sans encombre la faille. Les vagues qui s'y affrontaient projetaient des gerbes d'eau. Une fois le pied sur l'îlot, Charles fit signe à Mark de rappeler la benne. Il n'eut pas à se rendre jusqu'à la demeure de Lamia : encapuchonnée sous une toile huilée, la sœur de Cornfield venait à sa rencontre.
     
    – Votre imprudente filleule est sauve. Le lieutenant Tilloy l'a tirée des vagues. Sa baignade forcée vaut à la jeune fille quelques égratignures aux jambes et à l'épaule, mais seule sa barque est perdue. Ne la grondez pas : elle s'est montrée très courageuse et, de surcroît, charmante, dit Charles sans laisser à Fish Lady le temps de l'interroger.
     
    – La curiosité, monsieur, est un vilain défaut. Depuis trois jours, votre maison intriguait ma filleule. On m'a prévenue qu'elle était en mer. Mais trop tard. La tempête se levait et je ne pouvais plus qu'espérer qu'elle aborderait à Southern Creek avant le gros de l'orage.
     
    Charles résuma le sauvetage en minimisant les risques courus par Mark Tilloy. Lamia exprimait avec chaleur les remerciements d'usage quand, sautant de la nacelle, Ounca Lou accourut. Les deux femmes s'étreignirent et Desteyrac, discret, retourna au va-et-vient. Après une nouvelle traversée, à nouveau douché par le geyser montant de la faille, il rejoignit Tilloy sur Soledad.
     
    – Ainsi, vous connaissiez l'existence de cette superbe créature ? demanda l'ingénieur quand, un peu plus tard, les deux amis se réconfortaient au whisky tandis que leurs vêtements séchaient dans la cuisine.
     
    L'officier prit un temps de réflexion puis, avec le regard malicieux que Desteyrac lui connaissait quand il se préparait à faire une révélation touchant aux mystères de Soledad, le marin se pencha vers son ami.
     
    – Nous sommes quelques-uns seulement à savoir qu'Ounca Lou est la fille naturelle de Cornfield, dit-il à voix basse, tel un pénitent au confessionnal.
     
    1 Balourds.
     
    2 « Juin, c'est trop tôt. Juillet, attends. Août, ça peut venir. Septembre, souviens-t'en. Octobre, c'est la fin. »
     

6.
     
    L'orage tropical d'août constitua, comme l'avait prédit le lieutenant Tilloy, le lever de rideau de la saison des ouragans, lesquels se succédèrent, plus ou moins violents et dévastateurs, jusqu'à l'automne. Le va-et-vient avec lequel l'ingénieur passait aisément de Soledad à Buena Vista n'avait pas résisté à une tempête particulièrement forte. Il fut rétabli à la demande de Charles, et non sans difficultés, par Tom O'Graney et ses compagnons charpentiers.
     
    Deux semaines plus tard, un autre ouragan emporta à nouveau câbles et nacelle. L'Irlandais conseilla de patienter jusqu'à fin novembre pour reconstruire un système incapable de résister à l'impétuosité de vents qui interdisaient aux gens de circuler, renversaient les chariots, soulevaient les toits, abattaient des cheminées, arrachaient parfois des tuiles à Cornfield Manor. Habitués aux violences climatiques, les insulaires savaient s'en protéger. Aux premiers signes avant-coureurs d'un cyclone, ceux qui, par choix atavique, vivaient encore dans des cases de bois au toit de palmes couraient se mettre à l'abri dans les grottes de la côte orientale, emportant ce qu'ils avaient de plus précieux : instruments de pêche, casseroles, couvertures et denrées telles que porc et poisson séchés, farine, riz, lait de coco. Les occupants des maisons de pierre se

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