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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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et sa passagère.
     
    – Elle ne manque pas de cran, cette fille. Peut-être saura-t-elle sauter de son rafiot avant le heurt contre les récifs ? Si les choses se passent ainsi, je vais aller au-devant d'elle. Vous tiendrez bon la corde avec Timbo et nous aiderez à revenir. Car cette sacrée houle tire au large, et mieux vaut ne pas se laisser entraîner, cria Tilloy.
     
    – Je crois qu'elle nous a vus, répondit Charles qui admirait le sang-froid du marin.
     
    Ils attendirent, et quand la frêle embarcation, propulsée par la houle, escalada un récif et s'y ouvrit comme une noix, ils virent la femme plonger et disparaître. Déjà débarrassé de son pantalon et de sa chemise, Tilloy courut à la rencontre de la lame, s'y jeta avant qu'elle n'eût déferlé, et disparut sous l'eau. La corde lovée aux pieds de Charles se déroula puis se tendit. Au bout d'un moment qui parut affreusement long à l'ingénieur, la tête du marin et celle de l'inconnue émergèrent entre deux volutes d'écume. Levant le bras, Mark fit signe de tirer sur la corde. Ainsi, Charles et Timbo halèrent sur les galets le lieutenant puis une grande fille aux reins ceints d'un lambeau de pagne. Trop essoufflée pour parler, les yeux clos, elle se laissa porter par Charles jusqu'au cottage. Le contact de ce corps de femme, ferme et frissonnant, eût, en d'autres circonstances, troublé l'ingénieur, mais, comme Tilloy, il ne pensait pour l'instant qu'à s'éloigner de la rive pour se mettre à l'abri de la pluie avec son fardeau.
     
    Installée dans un fauteuil, vigoureusement frictionnée par Tilloy, qui savait traiter qui vient d'échapper à la noyade, enveloppée dans un plaid, la jeune femme rouvrit aussitôt les yeux. Son regard d'un bleu délavé, qui, l'espace d'un éclair, en rappela un autre à Charles, exprima sa reconnaissance avant que ne le fissent ses paroles. Le clin d'œil qu'échangèrent Charles et Mark traduisit une commune appréciation : ils avaient là une des plus belles filles que l'un et l'autre eussent vues sur Soledad, grande, mince, souple. Sa peau ne devait pas qu'au soleil son teint de bronze clair. Son premier geste, quand elle se libéra du plaid pour nouer en torsade sur la nuque ses longs cheveux bruns encore mouillés, dévoila des seins fermes aux aréoles brunes.
     
    – Pour sortir de l'onde, Vénus ne choisit pas, comme vous, un jour de tempête, plaisanta Tilloy pour dédramatiser les moments que tous venaient de vivre.
     
    – Un peu d'alcool vous fera du bien, proposa Charles, faisant signe à Timbo d'apporter du whisky.
     
    – Pas d'alcool, s'il vous plaît, plutôt du thé, demanda-t-elle dans un anglais d'une pureté rare dans l'archipel.
     
    – Puis-je vous demander ce que vous faisiez en mer par un temps pareil ? demanda le marin.
     
    – Je voulais voir de près cette nouvelle maison, avoua-t-elle sans manifester de gêne, l'œil rieur, ce qui la rendit encore plus séduisante.
     
    – M. Charles Ambroise Desteyrac, son propriétaire que voici, vous eût aimablement accueillie si vous aviez opté plus prudemment pour la voie de terre, dit Tilloy, gentiment moqueur.
     
    – Ce qui aurait évité au lieutenant Mark Tilloy de se jeter à l'eau pour aller vous tirer d'affaire, ajouta Charles, complétant ainsi des présentations informelles.
     
    – De Buena Vista on ne peut encore venir que par la mer, proposa-t-elle en guise d'excuse.
     
    Le « encore » donnait à penser qu'elle était au courant du projet de pont.
     
    – J'ose espérer que vous me pardonnerez de vous avoir fait courir un tel danger… et aussi ma curiosité, ajouta-t-elle, dédiant à Charles un franc sourire.
     
    – Vous êtes pardonnée. Et je suis heureux, étant donné les circonstances, de vous recevoir. Ainsi, vous venez de Buena Vista ?
     
    – Je suis la filleule de lady Lamia, et je crains qu'elle ne s'inquiète de mon absence, surtout si on lui a dit que j'étais sortie en mer cet après-midi.
     
    – La filleule de lady Lamia ! Vous êtes donc Ounca Lou ? dit avec vivacité Tilloy. Je connaissais votre existence, mais je n'avais jamais eu le plaisir de vous rencontrer.
     
    – Je ne suis revenue du Rutgers College, à New York, que depuis un mois, dit-elle.
     
    Après deux tasses de thé et une tranche de roly-poly , la jeune femme s'inquiéta de savoir comment elle pourrait rentrer à Buena Vista, où sa marraine devait l'attendre. Bien que la tempête eût perdu

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