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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d'action de grâces, mais je les ai vus mimer les combats qui opposèrent leurs ancêtres aux Carib, ces cannibales tant redoutés des autres nations indiennes. Et là, croyez-moi, ils y mettent une ardeur assez effrayante. Je me dis parfois que si nos Arawak décidaient de se débarrasser des envahisseurs blancs, nous aurions bien du mal, même avec nos armes, à les contenir. Il reste en eux assez de sauvagerie pour nous mettre à mal. Pas vrai, ma belle sauvageonne ! ajouta le lieutenant, prenant sa compagne à témoin.
     
    L'Indienne sourit et se lova contre l'officier.
     
    – Je ne crois pas que vous ayez quoi que ce soit à redouter de cette personne, observa Charles.
     
    – Non, certes ! Elle est avec moi depuis une semaine et je ne me lasse pas de sa façon de se conduire au lit. Ces filles, mon cher, ont dans le sang l'instinct de la jouissance et l'art de la provoquer chez le partenaire. Elles sont inventives, attentives au plaisir de l'homme et… infatigables ! À côté de ces femmes, nos Anglaises et vos Françaises sont des prudes soumises et sans tempérament ! s'exclama le lieutenant en riant.
     
    L'apparition de lord Simon parut augmenter la frénésie des danseurs, qui ne s'interrompirent, exténués, qu'au signal du cacique invitant Cornfield à prendre place dans le cercle des notables pour recevoir hommage et verre de rhum.
     
    Charles croyait, comme Tilloy, la représentation terminée quand le cacique fit un signe pour relancer la ronde après avoir invité Malcolm Murray à se joindre aux musiciens. Très habilement, l'Anglais s'intégra au tempo, grattant les cordes de sa mandoline pour soutenir le rythme imposé par les tambourins. Enchantés de cet apport, les Indiens déléguèrent l'un des leurs.
     
    – Pouvez-vous jouer pour nous une musique de votre pays ? dit l'homme.
     
    Un instant indécis, Malcolm s'exécuta en tirant de son instrument une tarentelle qui n'avait rien de britannique, mais au son de laquelle les Indiens improvisèrent une danse fougueuse qui réjouit le cacique et tous les anciens.
     
    Dans cette ambiance exotique, un peu irréelle pour un Parisien, Desteyrac se sentit soudain exonéré de toutes les règles de la société qu'il avait quittée. Une satisfaction sereine des sens, dénuée de la culpabilité que la morale judéo-chrétienne suscite depuis des siècles chez les peuples dits civilisés, le simple plaisir d'exister en accord avec ses semblables et la nature environnante : n'était-ce pas là, déjà, une forme de sagesse ? Détournant les yeux des danseurs, le Français regarda autour de lui. Mark Tilloy s'était éloigné dans les allées du parc avec sa belle ; le major Carver semblait converser agréablement avec une jeune métisse n'ayant pour tout vêtement qu'une courte jupe effrangée et un madras ; lord Simon offrait un cigare au cacique Maoti-Mata, ce soir traité en égal ; l'enseigne Hocker, assis entre deux adolescentes taino, semblait engagé dans une double conquête ; le docteur Kermor et le géant O'Graney se passaient familièrement un flacon de whisky ; Philip Rodney, pipe en bouche et paupières mi-closes, posait une main velue sur la cuisse nue de sa voisine, une plaisante Noire, esclave en fuite embarquée à Charleston et de qui il avait fait sa libre gouvernante, voire davantage ; le père Paul Taval, descendu de son ermitage avec Manuela, l'œil brillant, la lèvre humide, claquait des mains au rythme de la danse à laquelle ne le retenait de participer que la robe de bure qu'il passait les soirs de réjouissances officielles.
     
    Pour la première fois, au cours de cette soirée, Charles s'était trouvé en présence des épouses Colson, Russell, Weston Clarke et autres femmes d'officiers mariniers, quartiers-maîtres ou artisans anglais. Les enfants de ces couples, garçons et filles, assistaient à la fête, mêlés aux rejetons des indigènes, dont certains étaient leurs camarades de classe à l'école de Margaret Russell. Sur cette île qu'il avait un temps crue vide de femmes blanches et vouée au sexe masculin, l'ingénieur découvrait des familles européennes heureuses, qui vivaient à l'écart de l'activité économique et administrative de l'île.
     
    Tandis que danseurs et danseuses se relayaient, Timbo, invisible jusque-là, apparut, accompagné d'une Indienne que Charles reconnut aussitôt.
     
    – Main'ant, Mossu l'Ingénieu', Wyanie va danser que pou' vous, dit l'Arawak.
     
    La

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