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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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cet habit en toile caoutchoutée, muni d'un casque de cuivre et alimenté par une pompe à air à quatre cylindres. Le scaphandrier est descendu à quarante mètres sous la mer pour y passer une demi-heure. C'est un progrès sur le scaphandre de M. Siebe qu'utilisent tes chercheurs de trésor ! Déjà, des ouvriers formés dans une école spéciale travaillent à la réfection des piles de ponts dans la Loire. Ils seront aussi employés à la construction des futurs ponts, ce qui nous rendra, à nous pontonniers, de précieux services », assurait le Parisien.
     
    Fouquet concluait sa lettre par l'annonce du mariage de Rosalie. « Non pas avec un vieux marcheur amateur de chair fraîche, comme nous aurions pu l'imaginer, mais avec un jeune sous-préfet, un des collaborateurs de M. Haussmann. Je le connais comme un beau garçon au visage ouvert. Il serait bien vu de l'empereur, m'a-t-on assuré. Il se pourrait donc, mon cher, que ta Rosalie finisse dans la peau d'une épouse de ministre ! Détail qui a son importance, elle s'est mariée en blanc à Saint-Philippe-du-Roule ! Je pense, et nos amis avec moi, que tu devrais te sentir flatté ! » écrivait l'ingénieur. Dans un post-scriptum, il ménageait l'avenir : « Si l'Égypte et les Égyptiennes ne me plaisent pas, je suivrai ton exemple et j'irai tâter du Nouveau Monde, peut-être pour me faire chercheur d'or en Californie comme plus de trente mille de nos compatriotes, d'après un récent article de L'Illustration . »
     
    Des événements de Crimée, Charles Desteyrac avait déjà été informé par sa mère. Elle lui avait écrit précédemment : « Le général de Saint-Forin est en Crimée avec notre fils Octave, ton demi-frère. Le père et le fils se préparent maintenant aux combats qui ne pourront qu'ajouter à la gloire de l'empereur et à celle de notre famille. »
     
    Cette phrase avait irrité Charles. Cette famille-là n'était plus la sienne. Toujours caustique, il avait répondu : «  The Nassau Guardian , seul quotidien des Bahamas, de même que la plupart des journaux américains reçus à Soledad, semblent ignorer ce qui se passe en Crimée, contrée lointaine dont le sort ne peut en rien influencer la vie des Américains et des Bahamiens. Il y a donc peu de chances que les faits d'armes de votre mari et de votre fils soient jamais connus de ce côté-ci de l'Atlantique. »
     
    Les nouvelles qui parvenaient de France prenaient pour Charles, avec la distance et les délais de transport du courrier – un mois, voire un mois et demi –, une sorte d'insignifiante irréalité. Un autre aurait peut-être ressenti à leur lecture une mièvre nostalgie ou un appétit de détails supplémentaires. Desteyrac, ayant fait le choix d'une existence radicalement distincte de celle qu'il avait quittée, n'éprouvait plus ni mélancolie ni curiosité. Il se sentait dans la peau d'un homme neuf, en tout cas bien différent de celui à qui Albert Fouquet croyait amical de rapporter les faits et gestes de ceux et celles qu'ils avaient ensemble connus.
     
    L'installation aux Bahamas avait été comme une nouvelle naissance. Le bien-être présent lui ôtait de la mémoire jusqu'à l'image de celui qu'il avait connu. Les faits que rappelait Fouquet appartenaient déjà au passé quand il en prenait connaissance. Ce mélange de réminiscences et de situations nouvelles ne faisait que semer des jalons permettant d'évaluer, à distance, la marche du temps. Rosalie, heureusement mariée, devenait une étrangère, comme le restait ce demi-frère qu'il n'eût sans doute pas reconnu s'il s'était présenté à lui. En s'exilant à Soledad, Charles Desteyrac avait non seulement tourné une page, mais clos l'album illustré d'une vie antérieure. Il attendait de l'avenir de quoi composer un nouveau livre d'images avec des aventures pittoresques, plaisantes, insolites, et, sinon le bonheur, de quoi faire au moins croire à sa possible existence.
     

    Après la tentative de meurtre dont il avait fait l'objet, l'ingénieur, au lieu de remplacer les cordages de chanvre, avait commandé aux ateliers de John A. Roebling, à Philadelphie, des câbles métalliques, invention de cet ingénieur d'origine allemande. Arrivé en 1831 aux États-Unis à l'âge de vingt-cinq ans, Roebling, ancien élève de l'Institut polytechnique de Berlin, avait eu l'idée de torsader des fils de métal pour en faire des câbles de différents diamètres et d'une grande

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