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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Murray, épée au clair, assez fort pour être entendu des planteurs.
     
    – Il ne se passera rien. Ils vont rentrer bien gentiment chez eux. Ils sont sans armes, souffla Carver.
     
    Lord Simon rompit le silence plein d'incertitudes, troublé par le seul chant des oiseaux.
     
    – Messieurs, vous avez fait un voyage long mais inutile. Je vous invite donc à regagner vos bateaux. Nos marins vous accompagneront, ainsi que les hommes que vous avez recrutés. Je ferai porter à bord de vos navires de l'eau, de la glace et des fruits de nos îles. Je suis certain que vous leur trouverez meilleur goût qu'à ceux qui poussent dans vos vergers de Virginie ou des Carolines, car ils ont été cultivés et cueillis par des hommes libres sur une terre libre, conclut-il.
     
    Ayant parlé, Simon Leonard fit pivoter son cheval et, sans plus se soucier des Américains pantois, regagna Cornfield Manor au petit trot.
     
    En quelques minutes, et sans qu'ils opposent d'autre résistance que verbale – récriminations et insultes que les officiers et marins avaient reçu l'ordre d'ignorer –, les planteurs furent reconduits à leurs chaloupes où montèrent aussi les mercenaires engagés pour l'expédition.
     
    Escortés par le Centaur et l' Apollo , les bricks américains disparurent bientôt à la vue des indigènes, témoins de cette étonnante représentation et qui se dispersèrent comme à regret, impressionnés par l'admirable sang-froid de lord Simon Leonard Cornfield, leur maître et protecteur.
     

    Le lendemain soir, au retour des équipages qui reçurent la double ration de rhum, comme de tradition après un service exceptionnel, on annonça partout le goombay , veillée coutumière des Arawak qui tire son nom de l'antique tambourin en peau de chèvre, instrument primitif avec lequel Noirs et Indiens rythmaient danses et chants. Pour cette célébration, lord Simon ouvrit le parc du manoir et fit apporter vin de palme et victuailles.
     
    Cette fête nocturne, sous un ciel d'un bleu profond, grand velum clouté d'étoiles, dans une pénombre gorgée des senteurs distillées par le feu du soleil que libérait à présent la fraîcheur de la nuit, se faisait charme au sens magique du terme.
     
    – C'est l'heure des sortilèges, dit Charles à Murray, assis près de lui sur un des sièges apportés du manoir.
     
    – J'ai envie de sortir ma mandoline, mais puis-je me mêler au concert ? On ne sait jamais, mes sons risquent de déplaire à ces sauvages, dit l'architecte, pensif.
     
    – Le cacique des Taino vous donnera la réponse. Allez le trouver avant que la fête ne batte son plein, conseilla Charles.
     
    Les danseurs, athlètes courts, harmonieux de corps et de gestes, vêtus d'une simple pièce de tissu coloré nouée autour des reins, le front ceint d'un diadème de petites plumes et brandissant une fleur de bromélia attachée à un bâtonnet, se présentèrent avant que Malcolm ne reparût. Ils formèrent un cercle au centre duquel vinrent se placer, autour du cacique Maoti-Mata, les anciens de la tribu. Ne prenant pas part à la danse, ces aînés formaient le chœur et se mirent bientôt à chanter une sorte de cantilène naïve à quatre voix en se dandinant sur place. Puis, rythmés par les tambourins en peau de chèvre, accompagnés par le son aigre des flûtes de bambou et, de façon inattendue, par l'accordéon, cadeau de lord Simon, les chanteurs, enflant leurs voix puissantes, donnèrent le branle à la ronde sur un rythme allègre et cadencé. Si le prélude avait eu un caractère religieux, le souple tournoiement des danseurs, leurs entrechats complexes, le balancement des fleurs de bromélia, l'entrée en scène de jeunes filles gracieuses, inconscientes de ce que pouvaient éveiller de désir, chez les Européens, leurs renversements lascifs, le trémoussement de leur croupe, l'ondulation de leurs hanches, le tressautement de leurs seins roides, firent de cette ronde joyeuse un spectacle d'un érotisme sans apprêt mais capiteux.
     
    – Ils disent à leur zemis, leurs dieux tutélaires, d'abord avec gravité, ensuite avec abandon, la gratitude qu'ils éprouvent, puisque aujourd'hui ces esprits ont découragé les mauvais hommes venus d'Amérique, dit Tilloy qui venait d'arriver, tenant par la taille une jeune Indienne, manifestement ravie du contact.
     
    – Cette aimable chorégraphie n'a rien de guerrier, s'étonna Charles.
     
    – Aujourd'hui, ils interprètent une sorte

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