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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Line, Collins avait, en 1852, obtenu du gouvernement fédéral une importante subvention en s'engageant à transporter par tous les temps le courrier entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Sans doute des pièces de ses vapeurs à roues à aubes étaient-elles forgées dans les aciéries de Pennsylvanie.
     
    Les journaux ne manquèrent pas de rappeler que ce nouveau naufrage d'un bâtiment de la Collins intervenait dix-huit mois après la perte de l' Arctic , jumeau du Pacific . En septembre 1854, l' Arctic avait heurté, près de Terre-Neuve, un petit vapeur français à coque de fer, le Vesta , dont la proue avait crevé la coque du grand navire de bois. Alors que l'eau envahissait les soutes, le commandant de l' Arctic avait tenté de se rapprocher de la terre, mais le bateau avait coulé loin du rivage. Quatre-vingt-six personnes avaient été recueillies à bord de navires de passage. Cent trente-trois passagers et cent soixante-quinze hommes d'équipage s'étaient noyés.
     
    Trois semaines après ce naufrage du Pacific , maintenant officiellement enregistré à Londres par le Lloyd's Register of Shipping, Bob Lowell arriva tout ému à l'usine.
     
    – Edward Collins n'a vraiment pas de chance. Un ami, revenu d'Europe à bord de l' Atlantic , un autre vapeur de la Collins Line, a bien cru sa dernière heure arrivée quand, à l'aube, au sud-est de Terre-Neuve, dans un brouillard intense, le capitaine a vu surgir un énorme iceberg à quelques encablures de la proue de son navire. Grâce à l'habileté du marin, qui ordonna la bonne manœuvre, et au sang-froid de l'équipage, la collision fut évitée. J'ose espérer qu'au printemps, quand vous naviguerez vers les Bahamas, les icebergs auront tous fondu ! dit Lowell.
     
    – Neptune vous entende ! Je n'apprécie la glace qu'en petite quantité et seulement dans un verre de limonade, dit Desteyrac en riant.
     
    – Il ne faut pas plaisanter, Charles. Les icebergs ont envoyé par le fond plus de navires que les boulets des Anglais pendant la guerre d'Indépendance, assura Bob avec sérieux.
     

    À la mi-mars, toutes les pièces du pont se trouvèrent achevées. Elles furent remises avec une certaine solennité à l'ingénieur français par le président de Keystone Bridges Works et ceux qui les avaient forgées. Charles offrit à cette occasion un gallon de bon whisky, accompagné d'un riche buffet confectionné par le meilleur restaurateur de la ville.
     
    Le directeur de l'entreprise, qui avait apprécié les compétences et l'assiduité de Charles, lui offrit de l'engager pour diriger la fabrication des ponts et viaducs que commandaient de plus en plus souvent les compagnies de chemins de fer. Charles déclina la proposition, mais promit de rester en rapport avec lui, se réservant ainsi la possibilité d'un emploi dans le cas où, le pont de Buena Vista mis en place, il quitterait Soledad et déciderait de travailler aux États-Unis. Voyant l'homme dans de si bonnes dispositions, le Français obtint qu'un congé fût accordé à Robert Lowell pour que ce dernier l'aidât à convoyer les éléments du pont jusqu'à New York.
     
    Après étude, les deux ingénieurs décidèrent d'emprunter le chemin de fer et la voie d'eau. Les pièces du pont, chargées à Pittsburgh sur des wagons de la Pennsylvania Railway, parcoururent en une semaine – les trains de voyageurs ayant priorité sur les convois de marchandises – les deux cent soixante-sept miles séparant la cité du fer de Buffalo, sur le lac Érié, port lacustre et entrée du plus long canal de l'Union. La fonte, le fer et l'acier en lingots, barres, rails, ou déjà convertis en machines-outils ou socs de charrue, le charbon, les bois de construction et les céréales produites par des fermiers allemands émigrés dans des fermes modèles de Pennsylvanie, n'empruntaient pas un autre itinéraire. Les trains arrivant directement sur les docks de Buffalo à la jonction du lac et du canal, il fut aisé de transférer le chargement des wagons sur la grosse barge à vapeur qui le porterait à New York.
     
    Charles voulait vérifier chaque jour que le transport des pièces détachées de son ouvrage ne connaissait pas d'aléas. Pour ne pas perdre la barge de vue, il loua fort cher à l'administration du canal un petit vapeur qui permettrait la surveillance de la navigation. Les deux hommes furent ainsi conduits à partager la vie rustique des mariniers, dont Charles assura largement

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