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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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relique dont tous ses compatriotes étaient fiers : la cloche de la Liberté.
     
    Ils se rendirent donc, sur Chestnut Street, à l'Independence Hall, monument dont l'image était partout reproduite en Pennsylvanie et que visitaient chaque année des milliers de citoyens de l'Union.
     
    – La construction de cet hôtel de ville, commencée en 1729, achevée en 1735, coûta, à l'époque, cinq mille six cents livres, expliqua Lowell, qui précisait toujours le prix des choses, qu'il s'agît d'une locomotive ou d'une paire de chaussures.
     
    – Votre Independence Hall ressemble à nos églises du nord de la France, avec son beffroi et sa grosse horloge, observa Charles tandis qu'ils entraient dans le bâtiment.
     
    – C'est ici que, le 4 juillet 1776, fut adoptée la Déclaration d'indépendance et qu'elle fut publiquement proclamée, le même jour, du haut de cet escalier, dit Lowell avec l'émotion du croyant qui pénètre dans un lieu saint.
     
    Charles crut bon d'ôter son chapeau par respect pour le patriotisme de son hôte, lequel désigna une grosse cloche suspendue par une chaîne à la charpente d'origine du bâtiment.
     
    – Notre Liberty Bell annonça la première l'indépendance de l'Union. Elle s'est fêlée le 6 juillet 1835, alors qu'elle sonnait le glas pour les funérailles de John Marshall, le Chief Justice des États-Unis et l'un des plus grands Américains de tous les temps 2 . Elle n'en est que plus sacrée pour nous. C'est aussi sous ce toit, dans une salle du deuxième étage, que George Washington lut son discours d'adieu au peuple américain, le 17 septembre 1796, il y a cinquante-neuf ans, expliqua Robert.
     
    – J'ai entendu dire que ce fort long discours est considéré comme son testament politique, dit Charles.
     
    – Nous le croyons. Mon grand-père, qui servit jeune sous Washington, me fit apprendre par cœur certains passages de ce texte qu'on enseigne à tous les écoliers, notamment pour ce qui concerne la neutralité de l'Union. Tenez, Charles, je me souviens de deux paragraphes qui peuvent intéresser un Européen. « L'Europe a des intérêts qui ne nous concernent aucunement, ou qui ne nous touchent que de très loin ; il serait donc contraire à la sagesse de former des nœuds qui nous exposeraient aux inconvénients qu'entraînent les révolutions de sa politique », récita Bob Lowell.
     
    – Ce n'est pas très aimable pour La Fayette et Rochambeau qui, eux, se mêlèrent des affaires d'Amérique et vous aidèrent à conquérir votre indépendance ! fit remarquer Charles.
     
    – Washington n'oublia jamais l'aide française, mais il prônait une sorte de prudent isolement national et patriotique. Il se méfiait autant des invasions commerciales que des révolutions. Écoutez encore ce qu'il dit aux Américains, dans cette maison, en 1796 : « La politique, l'humanité et votre propre intérêt vous recommandent de vivre en bonne intelligence avec toutes les nations. Votre commerce exige que, dans vos relations avec elles, vous teniez la balance égale. Ne demandez et n'accordez aucune préférence ; consultez la nature des choses, et ne forcez jamais rien ; que vos traités de commerce ne soient que temporaires, afin que vous puissiez les modifier et les changer selon les circonstances 3 . »
     
    – La Grande-Bretagne n'a jamais agi autrement, ce qui ne l'a pas empêchée de perdre ses colonies d'Amérique, persifla Desteyrac.
     

    Souvent, Charles et Robert allaient pêcher la truite et le saumon dans la Mill ou la Juniata et se rendaient, pour chasser le bouquetin, le chevreuil et parfois le puma, dans les Appalaches, que Lowell préférait appeler Alleghany. Au cours de leurs expéditions, ils gravirent le mont Davis, qui culmine à mille soixante et onze mètres, goûtèrent les eaux médicinales très prisées de Cresson Spring, scandalisèrent des paysans en se baignant nus dans la Schuylkill. Entraîné par l'Américain, Desteyrac se pencha, au pied du Bear Mount, sur la Burning Mine, où le charbon flambait depuis plusieurs années sans qu'on pût éteindre l'incendie souterrain.
     
    De temps à autre, ils rendaient visite aux jumelles, Fanny et Lucy, dans la petite maison du mont Washington où ils étaient reçus en habitués par la matrone, excellente cuisinière.
     
    « Si nous allions contenter la bête ? » proposait Bob Lowell, qui considérait la simple copulation, dénuée de sentiment, comme exercice hygiénique.

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