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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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emporté le toit de la maison de chantier de l'ingénieur.
     
    « Lady Lamia a pris la liberté de m'envoyer chercher les objets, les livres et les dossiers qui se trouvaient chez vous, afin qu'ils ne soient pas gâtés par la pluie ou dispersés par les vents. Votre planche à dessin, vos instruments de calcul et de mesure, vos livres savants, tout a été mis à l'abri chez ma marraine en attendant qu'on reconstruise la toiture de votre maison, ce qu'elle a fait entreprendre dès la fin des intempéries. J'ose espérer que vous ne nous tiendrez pas rigueur de cette indiscrétion. Tout sera en ordre quand vous arriverez et vous pourrez reprendre votre travail et vos habitudes. Nous avons été heureusement étonnées de constater que les câbles de votre tonneau volant, comme Sima appelle le va-et-vient, ont résisté aux ouragans de l'hiver. Il sera aisé, d'après O'Graney, venu l'examiner, de le remettre en état de fonctionner. Je puis vous dire aussi que les charpentiers de marine ont bien travaillé et que l'appontement que vous aviez commandé pour Southern Creek est achevé. Quant au chemin de rondins, arrangé au flanc de la colline pour hisser les morceaux de votre pont, m'a dit Tom O'Graney, il est du plus bel effet. »
     
    Après quelques considérations sur le printemps qui s'annonçait magnifique, Ounca Lou remerciait Charles pour ses « trop rares lettres de Pittsburgh », et concluait : « Sachez que la néréide, même si ce n'est pas la plus belle des Bahamas, vous attend, une fleur d'hibiscus sur l'oreille. »
     
    Charles ressentit une douce émotion. Les jeunes Arawak signifiaient ainsi à tous et à chacun que leur cœur était pris.
     

    En attendant l'arrivée de la barge et de son chargement, Colson convia Charles, son ami Lowell et Mark Tilloy, promu second du Centaur , à dîner à bord, estimant que son maître coq, qui s'était approvisionné à New York en viande de bœuf, légumes et fruits frais, tirait meilleur parti de ces excellents produits que les cuisiniers des restaurants réputés de Broadway. La démonstration en fut faite au cours d'un repas arrosé de vieux bordeaux, « le seul vin français qui se comporte honnêtement à la mer », précisa le sommelier.
     
    Lewis Colson s'étant, suivant son habitude, retiré dès la fin du dîner, Tilloy proposa une descente dans un cabaret où se produisait une chanteuse anglaise dont tout New York s'était entiché. Robert Lowell, qui, sa mission terminée, devait prendre le lendemain matin le train pour rentrer à Pittsburgh, se déclara enchanté d'une telle aubaine, les distractions de ce genre étant rares dans la cité des hauts-fourneaux.
     
    Les trois hommes regagnèrent le bord à minuit passé. Quand Robert Lowell eut pris congé pour aller dormir dans la cabine qu'on lui avait réservée, Mark Tilloy invita Charles à fumer une pipe sur la plage arrière du bateau.
     
    – C'est sans doute la dernière traversée que je vais faire avec vous, Charles. Je vais me marier, annonça sans préambule l'officier.
     
    – Non ? Vous marier, vous, le don juan des Caraïbes ? Il n'y a pas si longtemps que vous condamniez le mariage comme une institution contre nature, s'insurgea Charles.
     
    – Je m'attendais à votre réaction. Mais j'ai l'occasion d'un parti exceptionnel. Je vais épouser Ann Cornfield, déclara Tilloy en bourrant sa pipe.
     
    – Vous serez comblé : c'est une tendre et, à mon avis, une amoureuse-née. Et, de surcroît, une riche héritière, ajouta Charles.
     
    – Elle est en effet douée pour l'amour. Je n'ai jamais connu amante plus frénétique, plus enthousiaste et en même temps plus innocente. Ce qu'elle ignore, elle le devine, car son instinct la porte à la volupté. Croyez-moi, Charles, en m'offrant une virginité qui lui pesait, elle m'a fait tout oublier de mes résolutions.
     
    – Papa Jeffrey, qui renifle le péché à dix pas comme un chien truffier une truffe, n'a-t-il pas éventé votre aventure ? Je crois me souvenir qu'Ann n'a que seize ans !
     
    – Ici, les filles se marient jeunes. Ann a tout de suite informé son père. Elle lui a donné à entendre qu'ayant couché avec moi elle pouvait devenir mère et devait donc se marier au plus tôt, expliqua Mark.
     
    – Et le banquier a entendu ça sans que son cœur ait cessé de battre ?
     
    – La première émotion passée, Ann a énuméré tous les avantages d'avoir un gendre tel que moi, précisa Tilloy

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