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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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et d’une voix que l’émotion faisait trembler :
    « Vous reverrai-je ? » fit-il.
    Elle se retourna et fixa sur lui un regard profond. Elle le vit rougissant, haletant, attendant sa réponse avec une anxiété manifeste. Une ombre de tristesse passa sur son front d’ivoire. Ce fut très rapide, d’ailleurs. Tout de suite, elle reprit son air enjoué et :
    « Y tenez-vous vraiment ?
    – Si j’y tiens !… Pouvez-vous le demander ?
    – Eh bien, vous me reverrez.
    – Quand ?
    – Quand vous voudrez.
    – Où ?
    – Où vous voudrez.
    – Il ne me reste plus qu’à me faire connaître où vous demeurez… puisque vous daignez consentir à me recevoir chez vous.
    – Chez moi, monsieur, c’est dans une rue… Fille des rues, la rue est mon domaine, à moi. Et c’est là, chez moi, qu’on me trouve tout le long du jour, aux places et aux carrefours, qui sont mes salles des fêtes, à moi. »
    Ces paroles, prononcées avec une grande douceur, sous laquelle on sentait une inébranlable fermeté, produisirent sur lui l’effet d’un coup de masse. Il rougit jusqu’à la racine des cheveux et fixa sur elle un regard égaré ; elle ne souriait plus, elle lui parut étrangement sérieuse. Il s’inclina très bas devant elle, et d’une voix qui tremblait :
    « C’est une leçon, dit-il, une leçon bien méritée… et que je n’oublierai jamais, je vous le jure, mademoiselle. »
    Une lueur de contentement – qu’il ne vit pas – passa dans ses yeux lumineux. Elle lui fit une légère inclination de tête et, sans ajouter un mot, elle partit de son pas vif et léger.
    Ceci se passait à un carrefour formé par le croisement des rues de Buci, du Four et des Boucheries, au centre duquel se dressait le pilori de l’abbaye de Saint-Germain. Ils étaient arrivés jusque-là sans y prendre garde. Fiorinda s’éloigna par la rue des Boucheries {1} , allant dans la direction de la ville.
    Ferrière demeura au milieu du carrefour, tortillant nerveusement sa moustache, regardant d’un air rêveur la fine silhouette qui s’enfonçait lentement dans le lointain… et qui n’avait pas daigné se retourner une seule fois. Et lorsqu’il ne la vit plus, il lui sembla que la nuit s’était faite brusquement en lui, autour de lui.

VI – LE COMTE DE LOUVRE
    On n’a pas oublié que le combat du vicomte de Ferrière contre Saint-Solin, Saverny, Bonneval, d’Abancourt et Roquebron réunis avaient eu plusieurs témoins, parmi lesquels le comte de Louvre, le chevalier de Beaurevers et ces quatre matamores qui se prétendaient anciens gentilshommes de la reine Catherine : MM. de Trinquemaille, de Strapafar, de Corpodibale, de Bouracan et enfin le baron de Rospignac. Le moment est venu de nous occuper de quelques-uns de ces personnages.
    Lorsque le combat se fut terminé de la manière que nous avons dite, le comte de Louvre s’était détaché du chêne sous lequel il s’était tenu et s’était avancé vers Ferrière dans l’intention de le complimenter et de l’assurer de son estime et de sa sympathie.
    L’arrivée de Fiorinda l’avait empêché d’accomplir cette démarche courtoise. Ainsi que nous l’avons dit, les deux jeunes gens s’étaient éloignés par le chemin de la Butte, sans voir le jeune gentilhomme qui, ne voulant pas interrompre leur entretien, s’était mis discrètement à l’écart.
    Lorsque Fiorinda et Ferrière eurent disparu derrière la butte, le comte parut hésiter un instant sur ce qu’il allait faire. Se décidant brusquement, il avait contourné le moulin et, tout rêveur, s’était mis à les suivre de loin.
    Derrière lui, Rospignac, se faufilant d’arbre en arbre, se glissant dans les fossés qui bordaient la route, le suivait pas à pas, le couvant de son regard chargé de haine mortelle.
    Quant à Beaurevers et ses quatre acolytes, ils avaient disparu. Sans doute avaient-ils tourné à gauche et pris le chemin de Saint-Père.
    Les uns suivant les autres, nos quatre personnages étaient parvenus à ce carrefour où Fiorinda et Ferrière devaient se séparer. Là, soit qu’il en eût assez de les suivre, soit qu’il eût changé d’idée, le comte de Louvre les avait laissés. Il avait pris, à sa gauche, la rue de l’Échaudé qui l’avait ramené sur le Chemin-aux-Clercs et de là, il s’était dirigé vers la porte de Nesle, aux environs de laquelle il arriva bientôt.
    Et derrière lui, ombre tenace et menaçante, Rospignac suivait

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