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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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partirent de différents côtés :
    « Fiorinda, la diseuse de bonne aventure ! – Fiorinda-la-Belle ! – Fiorinda-la-Cruelle !
    – Salut à vous tous, nobles seigneurs ! » lança-t-elle gaiement.
    Et très calme, très à son aise, elle se mit en demeure de circuler parmi ces hommes aux visages animés par les fumées des vins généreux, aux yeux luisants de désirs. Et dans son attitude très naturelle, suprêmement indifférente, on eût vainement cherché une intention de coquetterie. Il sautait aux yeux que tous les hommes rassemblés dans cette salle n’existaient à ses yeux qu’en tant que clients. Son unique souci était d’exercer honnêtement le métier qui la faisait vivre. Et ce métier consistait à prédire l’avenir, après une étude sommaire de la main.
    Elle était prudente, cependant, car elle manœuvra de manière à éviter l’homme qui avait paru l’inquiéter au point qu’elle avait failli renoncer à son travail à cause de lui. Malheureusement, la manœuvre était difficile : il lui fallait contourner la table, frôler l’homme au torse d’hercule. Il est vrai qu’il lui tournait le dos et qu’il paraissait uniquement préoccupé à s’empiffrer avec une ardeur telle qu’on eût pu croire qu’il était là pour se refaire des suites d’un très long jeûne. Il est vrai que le gentilhomme était si passionnément absorbé par sa surveillance qu’elle pouvait espérer réussir. Mais…
    En entendant crier ce nom musical, parfumé comme un bouquet de fleurs : Fiorinda, le gentilhomme avait eu un sursaut et, délaissant tout autre souci, s’était tourné vivement vers elle. Une rougeur subite empourpra ses joues mates. Une flamme ardente s’alluma dans ses yeux. Et ces yeux prirent alors une expression de passion violente, sauvage, qui avait on ne sait quoi d’inquiétant. Du pied, sous la table, il avertit son compagnon et dans un souffle, sur un ton impérieux, commanda :
    « Arrête, Guillaume Pentecôte ! »
    L’homme qui répondait à ce nom caractéristique de Guillaume Pentecôte leva le nez de dessus son assiette. Il montra ainsi un mufle effrayant, couturé de cicatrices, balafré par deux énormes moustaches. On ne pouvait s’y méprendre : celui-là était un truand. Et un truand d’aspect formidable. Il devait être dressé à l’exécution rapide et passive d’ordres mystérieux, compris à demi-mot. Il n’eut pas une seconde d’hésitation : il allongea un bras d’une longueur démesurée, abattit une main large et velue sur la jeune fille, qui s’engageait dans un traversée transversale, l’enleva comme une plume et la déposa doucement à côté du gentilhomme, au moment même où elle pensait lui avoir échappé.
    Elle eut un geste de dégoût profond. Ses yeux noirs lancèrent un double éclair, tandis que le rouge de l’indignation empourprait ses joues. Elle allait protester hautement. Le gentilhomme la prévint, et foudroyant du regard Guillaume Pentecôte qui courba ses puissantes épaules comme un homme pris en faute, il gronda :
    « Misérable drôle ! Je ne sais ce qui me retient de te plonger ce couteau dans la gorge !… Comment oses-tu bien abattre tes ignobles pattes sur une dame ? »
    Avec une mine piteuse, démentie par la lueur railleuse qui pointait au fond de ses prunelles, Guillaume Pentecôte essaya de s’excuser. Et d’une voix rocailleuse, prudemment assourdie :
    « Monsieur le baron…
    – Assez, coquin ! interrompit sourdement le baron. Nous réglerons cela à la maison. »
    Et tandis que Guillaume Pentecôte replongeait dans son assiette pour dissimuler un sourire goguenard qui semblait lui être particulier, il se retourna vers la jeune fille avec un air respectueux et empressé.
    Elle ne fut pas complètement dupe de la comédie. Mais elle comprit que, par son intervention spontanée, il venait de lui enlever le droit de se plaindre. Elle ne souffla mot. De même, elle ne se laissa pas leurrer par le respect qu’il lui témoignait. Ce respect était trop exagéré pour être sincère. Elle aurait pu se retirer sans difficulté à ce moment. Elle ne voulut pas reculer. Et ceci montrait que, décidément, elle était brave. Elle attendit donc, et tout dans son attitude indiquait qu’elle était résolue à tenir tête jusqu’au bout.
    Comme s’il jugeait l’incident clos, il dit à voix basse :
    « Eh quoi, ma jolie Fiorinda, ne daignez-vous pas me dire la bonne aventure en

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