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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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lorsqu’il leur arrivait de se nommer mutuellement dans la conversation, ils ne manquaient jamais de faire précéder leurs noms du titre et de la particule : monsieur de Trinquemaille, monsieur de Strapafar, monsieur de Corpodibale, monsieur de Bouracan.
    Il est certain qu’ils étaient superbes sous leurs magnifiques costumes… Seulement ces costumes paraissaient trop neufs, trop riches, d’une élégance trop tapageuse, et si chargés de galons, de broderies, de rubans et de plumes qu’ils en étaient comme écrasés. Il est certain qu’ils se redressaient en des attitudes très dignes, très fières… Seulement, attitudes et gestes avaient on ne sait quoi de gauche et d’exagéré qui sentait l’étude patiente et laborieuse. Ils vous avaient des grâces d’éléphants s’évertuant à contrefaire les mouvements souples et gracieux d’une gazelle. On ne pouvait les regarder sans éprouver une impérieuse envie de rire… Seulement, si on jetait un coup d’œil sur leurs rudes trognes de sacripants, si on considérait ces yeux terribles qui semblaient vouloir provoquer tout l’univers, ces longues moustaches de tranche-montagne, ces crocs formidables qui semblaient vouloir tout dévorer, ces énormes et pesantes rapières qu’ils avaient au côté, on sentait l’impérieuse nécessité de refréner le rire… ou tout au moins de se détourner pour ne pas le leur laisser voir.
    Ils causaient entre eux, à voix basse, ainsi qu’il sied à des gens de bonne compagnie. Parfois, ils s’oubliaient. Alors, quatre jurons éclataient comme des détonations :
    « Palsembleu ! » disait Trinquemaille avec l’accent grasseyant du Parisien : « Milodius ! » disait Strapafar, qui était Provençal… ou Gascon (il ne savait pas au juste lui-même). « Corpo di Cristo ! » disait l’Italien Corpodibale. « Sacrement ! » disait Bouracan, qui était Flamand.
    Le cinquième personnage était un gentilhomme de vingt-deux ans environ : une de ces physionomies étincelantes qui ne sauraient demeurer inaperçues, un regard clair, rayonnant de loyauté, un sourire nuancé d’une légère teinte de mélancolie, une élégance souple sous un riche et simple costume de nuance effacée, un port de tête altier, un air d’irrésistible autorité. Incontestablement celui-là était le chef du groupe. Il ne se mêlait pas à la conversation des quatre et demeurait silencieux et rêveur, fixant parfois son clair regard sur le comte de Louvre qui lui tournait le dos. Lorsque ses compagnons élevaient trop la voix, il les rappelait à l’ordre d’un coup d’œil sévère. Alors, le Parisien Trinquemaille murmurait gravement, d’une voix onctueuse.
    « Messieurs, messieurs, modérez ces éclats de voix de mauvais ton !… Est-ce ainsi que vous avez profité des leçons que d’illustres dames voulurent bien vous donner quand nous avions l’insigne honneur d’être gentilshommes de M me  la reine Catherine ?… Vous verrez, messieurs, que M. le chevalier de Beaurevers finira par se fâcher… et alors, gare à vous ! »
    Les autres jetaient un regard inquiet vers ce chevalier de Beaurevers dont on les menaçait, qu’ils paraissaient redouter particulièrement et qui, lui, se détournait pour dissimuler un sourire de fraternelle indulgence. Et ils baissaient la tête comme des coupables, et ils s’excusaient en se chargeant mutuellement comme des enfants… de grands et terribles enfants :
    « Pécaire ! Ce n’est pas moi !… C’est M. de Corpodibale qui ne sait pas se tenir en noble compagnie.
    – Dio santo ! ce n’est pas moi ! c’est M. de Bouracan qui s’oublie toujours ! »
    Fiorinda passa devant ce groupe en répondant par un sourire au salut discret que lui adressait le chevalier de Beaurevers. Les quatre, qui depuis son entrée s’agitaient sur leurs sièges comme s’ils eussent été assis sur des pelotes d’épingles, la suivirent d’un quadruple regard émerveillé. Et ils lâchèrent les écluses de leur admiration :
    « Anges du paradis, c’est sûrement le plus beau d’entre vous qui est descendu parmi nous ! Susurra Trinquemaille de sa voix la plus onctueuse.
    – Vé ! la pitchounette est si radieuse que le soleil pâlit devant elle ! dit Strapafar.
    – La madone paraîtrait une vulgaire maritorne à côté de cette divine ragazette ! » flûta Corpodibale.
    La recette avait été des plus fructueuses. Fiorinda se dirigea vers la sortie. Mais

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