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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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voulait à force
forcée être du voyage, tant parce qu’elle était raffolée (comme sa belle
chambrière Zara) des pérégrinations que parce qu’elle avait appétit à connaître
mon père, je l’invitai en Mespech, n’ignorant pas que son désir le plus tenace
et tenaillant était de marier à la parfin mon bien-aimé Samson.
    Nous advînmes en Mespech au moment
des vendanges, et après la liesse de nos retrouvailles avec mon père et l’oncle
Sauveterre, pour la première fois de ma vie je n’éprouvai point de plaisir à
voir les belles grappes de raisin foulées dans les cuves par les pieds de nos
gens, pour ce que le rouge suc qui s’en échappait me ramentut tout soudain les
flots de sang répandus sur les pavés de Paris le 24 août et les jours
suivants.
    Au bout d’une semaine, à dire le
vrai, m’apensant de mes chevauchées sur les grands chemins du royaume et de mes
inouïes aventures en la capitale, il m’ennuyait quelque peu de vivre en la
quiétude rustique et languissante de la châtellenie de mon père, où, de reste,
mon propos était de ne point l’hiver passer, me voulant installer médecin en
Bordeaux. Mais, lecteur, tu sais bien comme moi que la fortune tient en grande
irrision les volontés et entreprises des hommes et se joue à les défaire comme
défait la vague le château de sable d’un enfant : j’avais le dessein de
demeurer deux mois en Mespech. J’y demeurai deux ans.
    Et encore que mon prime projet en
ces pages que voilà soit de peindre mon bon maître Henri III au naturel et
tel que, véridiquement, il fut, et non point tel que le barbouilla la honteuse
fallace des liguards et guisards dont le venin de haine, sur mon pauvre Roi
déversé, se répandit, de son vivant, par des milliasses de libelles, de petits
vers et de pasquils, et hélas ! par d’exécrables prêches prononcés du haut
même des chaires sacrées où ne se devrait enseigner que la vérité de Dieu,
cependant, cette présente chronique étant aussi celle de ma famille et de
moi-même en nos joies et chagrins domestiques, je ne veux galoper si vite sur
ce qu’il advint, pendant les deux ans que j’ai dits, de mon Samson, de
François, de ma petite sœur Catherine, de la frérèche – j’entends de mon
père et de Sauveterre – de Dame Gertrude du Luc, de Quéribus, de mon
Angelina.
    Si bien je me ramentois, la
tabusteuse affaire à mon retour en Mespech en 1572 fut le mariage de mon frère
Samson avec Gertrude, laquelle union eût dû paraître fort avantageuse à notre
économie huguenote, puisque la dame qui était de mon frère éprise, coqueliquant
avec lui depuis 1567, lui voulait en dot apporter la belle apothicairerie des
Béqueret en Montfort-l’Amaury.
    — Vous ne devriez le permettre
à Samson ! dit l’oncle Sauveterre à mon père tandis que nous chevauchions
tous quatre (mon aîné François étant avec nous) sur le chemin du Breuil pour
visiter Cabusse. La dame est papiste et pèlerine à Rome.
    — Peux-je le défendre à mon
cadet, dit Jean de Siorac, quand je me suis permis à moi-même d’épouser
Isabelle de Caumont ?
    — Et mal vous en a pris, mon
frère, de marier papiste tant encharnée ! dit Sauveterre, lequel
ressemblait plus que jamais à un vieux corbeau, tant par la courbure de son dos
que par l’amaigrissement de son col.
    — Mal m’en a pris, certes, dit
mon père (dont l’œil gai, à cette remembrance, s’assombrit) de la vouloir
convertir tambour battant, et en public, la dame ayant en elle tant de sang et
de piaffe… Elle me fut, cependant, bonne épouse, ajouta-t-il en nous jetant un
œil à François et à moi qui chevauchions derrière la frérèche. Et je l’aimais
de grande amour.
    À quoi Sauveterre s’accoisa un
petit. Encore qu’il fût trop homme de bien pour ne s’être pas donné peine pour
s’affectionner à ma mère en sa brève existence, il avait mieux réussi à la
pleurer une fois morte qu’à la chérir, vivante. Pour Sauveterre, si
bibliquement féru de fécondité, toute femme était ventre fertile par quoi le
peuple de Dieu croissait et multipliait. Mais que pour cela il fallût de prime
ce ventre ensemencer le laissait sans appétit et sans tendresse.
    — Avez-vous songé, reprit-il
gravement, que si cette dame marie Samson, vos petits-enfants suceront les
superstitions et les idolâtreries des papistes avec le lait de leur
nourrice ?
    — Je ne sais si ce lait compte
tant, dit Jean de Siorac. Charles IX a

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