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Le Prince

Le Prince

Titel: Le Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Machiavel
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de
conjurations ont été formées, mais qu'il n'y en a que bien peu qui
aient eu une heureuse issue. Un homme ne peut pas conjurer tout
seul : il faut qu'il ait des associés ; et il ne peut en
chercher que parmi ceux qu'il croit mécontents. Or, en confiant un
projet de cette nature à un mécontent, on lui fournit le moyen de
mettre un terme à son mécontentement ; car il peut compter
qu'en révélant le secret, il sera amplement récompensé - et comme
il voit là un profit assuré, tandis que la conjuration ne lui
présente qu'incertitude et péril, il faut qu'il ait, pour ne point
trahir, ou une amitié bien vive pour le conspirateur, on une haine
bien obstinée pour le prince. En peu de mots, le conspirateur est
toujours troublé par le soupçon, la jalousie, la frayeur du
châtiment ; au lieu que le prince a pour lui la majesté de
l'empire, l'autorité des lois, l'appui de ses amis, et tout ce qui
fait la défense de l'État ; et si à tout cela se joint la
bienveillance du peuple, il est impossible qu'il se trouve
quelqu'un d'assez téméraire pour conjurer ; car, en ce cas, le
conspirateur n'a pas seulement à craindre les dangers qui précèdent
l'exécution, il doit encore redouter ceux qui suivront, et contre
lesquels, ayant le peuple pour ennemi, il ne lui restera aucun
refuge.
    Sur cela on pourrait citer une infinité
d'exemples, mais je me borne à un seul dont nos pères ont été les
témoins.
    Messire Annibal Bentivogli, aïeul de messire
Annibal actuellement vivant, étant prince de Bologne, fut assassiné
par les Canneschi, à la suite d'une conspiration qu'ils avaient
tramée contre lui : il ne resta de sa famille que messire
Giovanni, jeune enfant encore au berceau. Mais l'affection que le
peuple bolonais avait en ce temps-là pour la maison Bentivogli fut
cause qu'aussitôt après le meurtre il se souleva, et massacra tous
les Canneschi. Cette affection alla même encore plus loin :
comme après la mort de messire Annibal, il n'était resté personne
qui pût gouverner l'État, et les Bolonais ayant su qu'il y avait un
homme né de la famille Bentivogli qui vivait à Florence, où il
passait pour le fils d'un artisan, ils allèrent le chercher, et lui
confièrent le gouvernement, qu'il garda en effet jusqu'à ce que
messire Giovanni fût en âge de tenir lui-même les rênes de
l'État.
    Encore une fois donc, un prince qui est aimé
de son peuple a peu à craindre les conjurations ; mais s'il en
est haï, tout, choses et hommes, est pour lui à redouter. Aussi les
gouvernements bien réglés et les princes sages prennent-ils
toujours très grand soin de satisfaire le peuple et de le tenir
content sans trop chagriner les grands : c'est un des objets
de la plus haute importance.
    Parmi les royaumes bien organisés de notre
temps, on peut citer la France, où il y a un grand nombre de bonnes
institutions propres à maintenir l'indépendance et la sûreté du
roi ; institutions entre lesquelles celle du parlement et de
son autorité tient le premier rang. En effet, celui qui organisa
ainsi la France, voyant, d'un côté, l'ambition et l'insolent
orgueil des grands, et combien il était nécessaire de les
réprimer ; considérant, de l'autre, la haine générale qu'on
leur portait, haine enfantée par la crainte qu'ils inspiraient, et
voulant en conséquence qu'il fût aussi pourvu à leur sûreté, pensa
qu'il était à propos de n'en pas laisser le soin spécialement au
roi, pour qu'il n'eût pas à encourir la haine des grands en
favorisant le peuple, et celle du peuple en favorisant les grands.
C'est pourquoi il trouva bon d'établir la tierce autorité d'un
tribunal qui pût, sans aucune fâcheuse conséquence pour le roi,
abaisser les grands et protéger les petits. Une telle institution
était sans doute ce qu'on pouvait faire de mieux, de plus sage et
de plus convenable pour la sûreté du prince et du royaume.
    De là aussi on peut tirer une autre
remarque : c'est que le prince doit se décharger sur d'autres
des parties de l'adminis­tration qui peuvent être odieuses, et se
réserver exclusivement celles des grâces ; en un mot, je le
répète, il doit avoir des égards pour les grands, mais éviter
d'être haï par le peuple.
    En considérant la vie et la mort de plusieurs
empereurs romains, on croira peut-être y voir des exemples
contraires à ce que je viens de dire, car on en trouvera
quelques-uns qui, s'étant toujours conduits avec sagesse, et ayant
montré de

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