Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince

Le Prince

Titel: Le Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Machiavel
Vom Netzwerk:
en
général, jugent plus par leurs yeux que par leurs mains, tous étant
à portée de voir, et peu de toucher. Tout le monde voit ce que vous
paraissez ; peu connaissent à fond ce que vous êtes, et ce
petit nombre n'osera point s'élever contre l'opinion de la
majorité, soutenue encore par la majesté du pouvoir souverain.
    Au surplus, dans les actions des hommes, et
surtout des princes, qui ne peuvent être scrutées devant un
tribunal, ce que l'on considère, c'est le résultat. Que le prince
songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s'il y
réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et
loués par tout le monde. Le vulgaire est toujours séduit par
l'apparence et par l'événement : et le vulgaire ne fait-il pas
le monde ? Le petit nombre n'est écouté que lorsque le plus
grand ne sait quel parti prendre ni sur quoi asseoir son
jugement.
    De notre temps, nous avons vu un prince  [2] qu'il ne convient pas de nommer, qui
jamais ne prêcha que paix et bonne foi, mais qui, s'il avait
toujours respecté l'une et l'autre, n'aurait pas sans doute
conservé ses États et sa réputation.

Chapitre 19 Qu'il faut éviter d'être méprisé et haï
    Après avoir traité spécialement, parmi les
qualités que j'avais d'abord énoncées, celles que je regarde comme
les principales, je parlerai plus brièvement des autres, me bornant
à cette généralité, que le prince doit éviter avec soin toutes les
choses qui le rendraient odieux et méprisable, moyennant quoi il
aura fait tout ce qu'il avait à faire, et il ne trouvera plus de
danger dans les autres reproches qu'il pourrait encourir.
    Ce qui le rendrait surtout odieux, ce serait,
comme je l'ai dit, d'être rapace, et d'attenter, soit au bien de
ses sujets soit à l'honneur de leurs femmes. Pourvu que ces deux
choses, c'est-à-dire les biens et l'honneur, soient respectées, le
commun des hommes est content, et l'on n'a plus à lutter que contre
l'ambition d'un petit nombre d'individus, qu'il est aisé et qu'on a
mille moyens de réprimer.
    Ce qui peut faire mépriser, c'est de paraître
inconstant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, toutes choses
dont le prince doit se tenir loin comme d'un écueil, faisant en
sorte que dans toutes ses actions on trouve de la grandeur, du
courage, de la gravité, de la fermeté ; que l'on soit
convaincu, quant aux affaires particulières de ses sujets, que ses
décisions sont irrévocables, et que cette conviction s'établisse de
telle manière dans leur esprit, que personne n'ose penser ni à le
tromper ni à le circonvenir.
    Le prince qui a donné de lui cette idée est
très considéré, et il est difficile que l'on conspire contre celui
qui jouit d'une telle considération ; il l'est même qu'on
l'attaque quand on sait qu'il a de grandes qualités et qu'il est
respecté par les siens.
    Deux craintes doivent occuper un prince :
l'intérieur de ses États et la conduite de ses sujets sont l'objet
de l'une ; le dehors et les desseins des puissances
environnantes sont celui de l'autre. Pour celle-ci, le moyen de se
prémunir est d'avoir de bonnes armes et de bons amis ; et l'on
aura toujours de bons amis quand on aura de bonnes armes :
d'ailleurs, tant que le prince sera en sûreté et tranquille au
dehors, il le sera aussi au dedans, à moins qu'il n'eût été déjà
troublé par quelque conjuration ; et si même au dehors quelque
entreprise est formée contre lui, il trouvera dans l'intérieur,
comme j'ai déjà dit que Nabis, tyran de Sparte, les trouva, les
moyens de résister à toute attaque, pourvu toutefois qu'il se soit
conduit et qu'il ait gouverné conformément à ce que j'ai observé,
et que de plus il ne perde point courage.
    Pour ce qui est des sujets, ce que le prince
peut en craindre, lorsqu'il est tranquille au dehors, c'est qu'ils
ne conspirent secrètement contre lui ; mais, à cet égard, il
est déjà bien garanti quand il a évité d'être haï et méprisé, et
qu'il a fait en sorte que le peuple soit content de lui ;
chose dont il est absolument nécessaire de venir à bout, ainsi que
je l'ai établi. C'est là, en effet, la plus sûre garantie contre
les conjurations ; car celui qui conjure croit toujours que la
mort du prince sera agréable au peuple : s'il pensait qu'elle
l’affligeât, il se garderait bien de concevoir un pareil dessein,
qui présente de très grandes et de très nombreuses difficultés.
    On sait par l'expérience que beaucoup

Weitere Kostenlose Bücher