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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Turcs.
    Elle remonta son col d’hermine jusqu’à le rapprocher de sa toque de même fourrure, expira, comme sa jument, de la buée par la bouche avant de tourner la tête vers l’arrière du chemin qui voyait, à droite, glisser les ailes du moulin dans un gonflement de voile. Les joues rosies par une course qu’elle avait enlevée d’un mouvement de bride, elle nous regarda paraître à la crête et chassa aussitôt ce relent d’hier. Ce jourd’hui était d’une autre trempe.
    Son timbre léger monta haut dans le matin clair :
    — N’est-ce point riant, Henri ? Nul brouillard pour obscurcir la vue, mais des corbeaux en quête de dernières goulées qui rasent le sol recouvert de feuilles. N’est-elle pas belle, mon Aquitaine ?
    Elle écarta les bras, confiante dans l’immobilisme de sa monture. Inspira à pleins poumons tandis que, dans le pas du roi, Jaufré et moi avancions vers elle.
    — Prenez garde à la malemort, duchesse. Je ne voudrais point perdre dans une méchante toux cet accent que vous portez si joliment, se moqua Henri.
    — Qu’elle s’approche si elle veut, je la recevrai dans un éclat de rire. Prenez le pari Henri. Cette terre aura bien changé lorsque mon heure viendra !
    Elle reprit les rênes d’une poigne ferme. Son œil pétilla.
    — En attendant, lequel de vous me rattrapera, cette fois ?
    Un coup de talons contre les flancs de sa jument la fit détaler dans le contrebas. Jaufré, sans hésiter, lui emboîta le galop. J’allais faire de même lorsque Henri me retint par la manche.
    — Un instant Loanna…
    C’était la première fois que nous nous retrouvions seuls depuis son arrivée. Jusque-là, Aliénor avait veillé à rester entre nous, différant tout entretien. Au bas de la colline, Jaufré avait arrêté sa course. S’il avait consenti à notre retour auprès d’eux, comme moi il n’avait pas pardonné pour autant. Il ne s’éloignerait pas davantage, comprisse au piétinement de son palefroi. Henri ne s’en étonna pas. Ses yeux cherchèrent les miens.
    — Je sais que tu es revenue pour elle, pas pour moi. Qu’importe, Loanna. Sache qu’il ne fut pas un jour depuis celui, terrible, où je posai les mains sur toi, pas un jour où je n’ai regretté mon geste. Je ne te demande point de me pardonner. Je n’y parviens pas moi-même, mais d’entendre ma promesse de ne jamais recommencer. Et de m’accorder comme autrefois ta confiance.
    Je hochai la tête.
    — Aliénor sait.
    Il blêmit, se reprit pourtant aussitôt.
    — Tu avais raison. J’avais tort. C’est une grande, une très grande reine. Je le constate chaque jour davantage et loue ma chance. Tu me donnes à l’instant raison plus grande encore de l’apprécier. Soutiens-moi, Loanna de Grimwald, comme ta mère le fit auprès de la mienne, comme Merlin fit auprès d’Arthur, et je redeviendrai digne de la foi que tu as mise en moi.
    Je recouvris ses doigts des miens.
    — Je vous soutiendrai, Henri, jusqu’au jour où vous faillirez. Ce jour-là, je me dresserai contre vous.
    — Cela n’arrivera pas, Canillette. Je t’aime trop pour risquer de te perdre encore, crois-moi.
    Le cheval de Jaufré hennit en bas de la colline, traduisant sans doute l’impatience de son maître. Au loin, le galop d’Aliénor la rapprochait du monastère. Nos mains se déjoignirent.
    — Le premier arrivé là-bas ? voulut me défier Henri.
    Avant qu’il n’ait fini sa phrase, j’avais déjà couvert cent pas.
     
    Moins de une heure plus tard, l’appétit aiguisé par cette chevauchée qu’Aliénor avait réclamée la veille et qui nous avait entraînés loin de Bordeaux et même des moines de Belin, nous nous arrêtions tous quatre près d’un moulin dont la roue se mouvait dans les remous de la rivière. Au front de la bâtisse de pierre formant un fer à cheval autour d’une jolie cour intérieure, une enseigne annonçait une auberge. Un garçon d’écurie se précipita, manqua défaillir en reconnaissant l’insigne de sa duchesse et se mit à bredouiller sans bien savoir s’il devait tortiller son bonnet, prendre les bêtes, s’agenouiller ou nous escorter dans la demeure. Dans un éclat de rire, Henri le réconcilia avec tout cela à la fois en lui jetant un denier. Le garçon, d’un blond d’épi, lâcha son bonnet pour rattraper la pièce.
    — Bouchonne les bêtes. Pour le reste, point n’est besoin de nous donner plus d’importance que nous n’en voulons. Va…
    Une

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