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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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circonspecte rehaussa sa lèvre supérieure, donnant à penser à son visiteur qu’un autre que lui aurait été mieux à même de gouverner. Thibaud de Blois ne le montra pas pourtant. Tout au contraire, il venait de flatter le roi de sa bonne mine, et espérer de lui une alliance. Acceptant de mauvaise grâce la réflexion de son souverain, il s’usait le genou sur le parquet, la main au pommeau de son épée en signe d’allégeance.
    Louis pianota quelques secondes sur le revers du bois puis, se surprenant dans ce léger avachissement, redressa le buste et le menton.
    — Relevez-vous. Relevez-vous, mon ami…
    Ne doutant pas un instant que le roi s’adressât à lui, Thibaud de Blois ne se le fit pas répéter. Tout au contraire, s’encourageant de cette permission, il insista :
    — Entendez bien, Votre Majesté, que mes fiançailles avec votre fille cadette Alix viendraient renforcer celles que vous avez déjà consenties à mon frère, Henri, en lui promettant votre aînée, Marie. Ainsi les maisons de Blois et de Champagne vous seraient un atout contre les Plantagenêts. Leur extension met en péril tous les grands de votre royaume, et le royaume lui-même.
    Les mâchoires de Louis se crispèrent. Tant que Dieu lui refusait un héritier, il ne voyait guère le moyen de s’opposer à la marche implacable de ses ennemis. À croire que le Tout-Puissant approuvait la vie dissolue de sa première femme et le caractère détestable de son nouveau mari. A croire qu’il eût mieux fait de s’accommoder de ce premier lit que de la laisser s’ébattre dans le second et d’y fertiliser sa terre. Bernard de Clairvaux avait eu raison de tenter, à maintes reprises, de retenir Aliénor en France. Lui-même n’avait été qu’un sot. Un sot ce jourd’hui remarié à une sainte, sans doute, mais tout aussi sèche que lui. Au moins avait-il éprouvé quelque plaisir à couvrir Aliénor. Elle était si belle ! Constance de Castille ne lui avait plu que parce qu’il avait dû traverser les terres d’Aliénor pour aller la chercher. Peut-être avait-il espéré que cette dernière s’en courrouce, l’en empêche, lui offre une nouvelle occasion de la griffer. Elle n’avait pas seulement relevé cette incursion intempestive et il était passé à l’aller comme au retour dans son indifférence la plus totale. Depuis, il s’obligeait dans la couche de son épouse, par défi, par colère, par désespoir. Par nécessité.
    Face à son mutisme, Thibaud de Blois reprit :
    — Bien évidemment, selon la coutume, il faudrait que la petite Alix soit élevée chez nous. Tout comme Marie que la duchesse enleva dans son sillage avant qu’elle nous soit amenée…
    Les traits du roi s’éclairèrent brusquement. Ravir à Aliénor ses deux filles. Voilà qui ternirait son teint. Elle y tenait tant ! Lui si peu. Surtout à la première qu’il présumait être de ce troubadour, ce Bernard de Ventadour. Oui, les lui enlever et les placer d’autorité chez ses propres amis, ennemis d’Aliénor, voilà qui, enfin, redonnerait un peu de goût à son quotidien. Un voile de doute ombra toutefois son regard. L’autoriserait-elle ?
    Comme s’il avait pu lire en lui, Thibaud de Blois accusa un sourire.
    — Je conçois, sire, qu’il ne sera pas aisé de convaincre la duchesse, mais ce sont les filles de la France et votre décision l’emportera sur ses réserves, donnant toute légitimité à vos actes.
    — Qu’est-ce à dire mon cher ?
    Thibaud de Blois porta la main à sa lame.
    — Qu’il faut savoir reprendre ce qui vous appartient… Par la ruse sinon la force. Et j’ai, pour ce faire, l’homme qui convient.
     
    *
     
    Le monastère de Belin se distinguait au bas de la colline par son enceinte crénelée. Une petite rivière en bordait le sud ; des bois de châtaigniers, l’est ; des champs, l’ouest. Aliénor éprouva un sentiment de nostalgie mâtinée de tristesse à en retrouver la ligne régulière, l’appel des cloches dans l’air vif. C’était ici, dans une de ces cellules, que, pour la première fois, avec son oncle Raymond, elle avait connu le plaisir charnel. Quelques jours plus tard, effrayé par l’amour sans issue qu’il lui portait, ce dernier quittait Bordeaux pour Antioche. Elle ne l’avait revu que là-bas, aux heures de la croisade. Il y était mort de la jalousie de Louis, de la sottise de Louis, de l’entêtement de Louis à lui refuser son aide au combat contre les

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