Le Roman d'Alexandre le Grand
roi car il était plus grand et plus
imposant qu’Alexandre. Comprenant la situation, l’eunuque blêmit et lui dit à
l’oreille qu’elle se méprenait.
La reine secoua la tête d’un air
confus et se prosterna devant Alexandre en gémissant encore plus fort et en
implorant son pardon. Alors, le roi se baissa, l’aida à se relever et lui dit,
tandis que l’eunuque traduisait ses paroles dans sa langue : « Peu
importe, madame. Lui aussi est Alexandre. » Et voyant qu’elle reprenait
courage, il ajouta : « Je t’en prie, ne pleure pas et ne désespère
pas. Darius est vivant. Il a abandonné son quadrige et sa robe royale, et il a
pris la fuite à cheval pour gagner en légèreté et en rapidité. À l’heure qu’il
est, il est certainement en sécurité. »
La reine mère s’inclina à nouveau
devant lui et couvrit sa main de baisers. L’épouse du Grand Roi s’approcha à
son tour pour lui rendre le même hommage. Le souverain fut foudroyé par son
incroyable beauté. Tournant le regard vers les autres femmes, il s’aperçut
qu’elles étaient toutes splendides, et il susurra à l’oreille
d’Héphestion : « Par Zeus, ces femmes sont un tourment pour mes
yeux ! » Mais il cherchait, à l’évidence, un visage particulier.
« Y a-t-il d’autres femmes dans
le camp ? demanda-t-il.
— Non, répondit Héphestion.
— En es-tu sûr ?
— Sûr et certain. » Puis
il ajouta, remarquant un mouvement de déception chez son ami : « La
suite du roi se trouve à Damas. Peut-être y trouveras-tu celui ou celle que tu
cherches.
— Je ne cherche
personne », répliqua Alexandre d’un ton brusque. Il s’adressa ensuite à
l’eunuque : « Dis à la reine mère, à l’épouse de Darius et à toutes
les autres femmes qu’elles seront traitées avec tous les égards et qu’elles
n’ont rien à craindre. Qu’elles demandent simplement ce dont elles ont besoin,
et elles seront satisfaites dans la mesure du possible.
— La reine et la reine mère te
remercient, sire, traduisit l’eunuque. Elles prient Ahura-Mazda de te bénir
pour ta pitié et ta bonté d’âme. »
Alexandre hocha la tête avant de
sortir en compagnie d’Héphestion. Il donna l’ordre de ramasser les cadavres et
de célébrer des funérailles solennelles.
Ce soir-là, Callisthène écrivit que
seuls trois cent neuf Macédoniens avaient trouvé la mort sur le champ de
bataille mais le bilan fut hélas plus amer. Le roi se traîna en boitant parmi
les corps de ses soldats, horriblement déchiquetés et mutilés, et il se rendit
compte qu’ils étaient tombés par milliers. Le centre de la formation avait subi
les pertes les plus nombreuses, face au contingent des mercenaires grecs.
On abattit des dizaines d’arbres sur
les collines, on éleva des bûchers gigantesques sur lesquels on brûla les
cadavres devant l’armée rangée. Quand ces funérailles furent terminées,
Alexandre, précédé par son étendard rouge, passa ses soldats en revue, la
cuisse bandée d’une façon ostentatoire et tachée de la même couleur. Il eut un
mot d’éloge et d’encouragement pour tous les détachements, et aussi pour les
hommes qu’il avait vus combattre courageusement. Il offrit à bon nombre d’entre
eux un présent personnel, un objet qu’ils conserveraient en souvenir de cette
bataille.
Puis il s’écria pour finir :
« Je suis fier de vous, soldats ! Vous avez battu l’armée la plus
puissante de la terre. Aucun Grec, aucun Macédonien n’avait jusqu’alors conquis
un territoire aussi vaste ! Vous êtes les meilleurs, vous êtes
invincibles : aucune force au monde ne peut vous résister ! »
Les soldats lui répondirent par un
chœur de cris frénétiques, tandis que le vent balayait les cendres de leurs compagnons
et éparpillait dans le ciel gris de l’automne une myriade d’étincelles.
Quand le soir fut tombé, Alexandre
se fit conduire à l’endroit où l’on avait emprisonné le guerrier perse qu’il
avait voulu épargner sur le champ de bataille. L’homme était assis par terre,
pieds et poings liés. Dès qu’il le vit, le roi s’agenouilla devant lui et
dénoua ses liens. Puis il lui demanda, en s’aidant de quelques gestes :
« Te souviens-tu de moi ? »
L’homme comprit et fit un signe
affirmatif.
« Tu m’as sauvé la vie. »
Le guerrier sourit et dit qu’ils
étaient deux à l’époque à chasser le lion.
« Oui, il y avait aussi
Héphestion,
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