Le Roman d'Alexandre le Grand
expliqua Alexandre, il est dans les parages. Il n’a pas
changé. »
L’homme sourit une nouvelle fois.
« Tu es libre, déclara
Alexandre en accompagnant ses mots d’un geste éloquent. Tu peux retourner
auprès de ton peuple et de ton roi. »
Constatant que le guerrier n’avait
pas compris, Alexandre ordonna qu’on lui amène un cheval et lui en tendit les
rênes. « Tu peux partir. On t’attend sans doute, chez toi. Des
enfants ? », demanda-t-il en indiquant par la main la taille d’un
enfant.
L’homme montra de la sienne la
taille d’un adulte et Alexandre sourit. « Eh oui, dit-il, le temps
passe. »
Le Perse le contempla d’un air grave
et profond, et ses yeux noirs brillèrent d’émotion tandis qu’il portait sa main
à son cœur avant de toucher la poitrine d’Alexandre. « Va, l’invita le
souverain, avant que la nuit tombe. »
Le guerrier murmura quelques mots
dans sa langue, puis il bondit sur le cheval et disparut dans le lointain.
Cette nuit-là on retrouva dans le
camp perse l’Égyptien Sisinès qui avait insinué, l’année précédente, que Darius
avait promis à Amyntas de Lyncestide une grosse somme d’argent ainsi que le
trône de Macédoine contre la mort d’Alexandre – ce qui avait conduit à
l’emprisonnement du prince. Ptolémée instruisit un court procès au terme duquel
on reconnut qu’il s’agissait d’un espion perse ; mais avant de le faire
exécuter, il appela Callisthène, supposant que celui-ci avait certainement des
questions à lui poser.
En apercevant l’historien,
l’Égyptien se jeta aussitôt à ses pieds. « Aie pitié de moi ! Les
Perses m’ont capturé pour m’obliger à leur livrer des informations sur votre
armée, mais je n’ai pas dit un seul mot, je n’ai pas… »
Callisthène l’arrêta d’un geste de
la main. « Il faut croire que les Perses traitent fort bien leurs
prisonniers : n’avais-tu pas une tente luxueuse, deux esclaves ainsi que
trois servantes ? Et où sont les signes des sévices que tu as subis ?
Tu as l’air pour le moins resplendissant.
— Mais je…
— Tu n’as qu’une seule chance
de te sauver : parler, insista l’historien. Je veux tout savoir, en
particulier ce qui concerne les affaire du prince Amyntas, la lettre de Darius,
l’argent qu’il lui avait promis en échange de la mort d’Alexandre, et ainsi de
suite. »
Sisinès reprit un peu de couleur.
« Mon illustre ami, commença-t-il, je ne souhaitais pas révéler les
aspects les plus secrets et les plus délicats de mon travail, mais puisque ma
vie est en jeu, je dois m’y résigner… » Callisthène eut un geste qui
signifiait qu’il n’avait pas de temps à perdre. « Je disais donc, je peux
te démontrer que je me suis contenté de servir fidèlement le trône de
Macédoine. C’est sur l’ordre de la reine Olympias que j’ai bâti toute cette histoire. »
Callisthène songea au goût de
l’encre qu’il avait trouvé sur cette lettre, un goût très familier.
« Continue, lui intima-t-il.
— La reine mère Olympias
craignait qu’Amyntas ne constitue tôt ou tard une menace pour son fils
Alexandre. Elle imaginait que celui-ci courait mille dangers sur ces terres
lointaines et étrangères. Que serait-il arrivé si Alexandre avait été
battu ? Les troupes auraient pu choisir Amyntas pour roi et obtenir en
échange leur retour en Macédoine ainsi qu’une vie moins dure. Elle a donc
demandé à l’un des esclaves perses que Philippe lui avait offerts d’écrire
cette lettre, puis elle a fait reproduire les sceaux des barbares en se fondant
sur des missives conservées dans la chancellerie du palais. Enfin, m’honorant
de sa confiance, elle…
— J’ai compris, l’interrompit
Callisthène. Mais… le messager perse ? »
Sisinès s’éclaircit la voix :
« Mes missions délicates m’ont amené à fréquenter des milieux perses, où
je possède des amis influents. Je n’ai donc pas eu grand mal à persuader le
gouverneur de Nisibis de me confier un messager perse, que j’ai chargé de
remettre la lettre.
— Et que tu as empoisonné par
crainte qu’il ne parle.
— Mieux vaut naviguer dans des
eaux sûres, répliqua l’Egyptien d’une voix imperturbable. Même si le pauvre
homme n’aurait sans doute pas eu grand-chose à dire. »
« De cette façon, pensa
Callisthène, tu restes donc le seul dépositaire de la vérité : mais de
quelle vérité ? » Puis il dit :
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