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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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sur
son mors au point de le blesser.
    — Et toi ? demanda
Perdiccas.
    — Moi ? J’ai seulement
ordonné à ces misérables de le lâcher et je lui ai couru après.
    — Assez parlé de chevaux !
cria Ptolémée pour couvrir le vacarme que produisaient ses amis en se pressant
autour d’Alexandre. Parlons de femmes ! Et prenez place, le dîner est
prêt !
    — De femmes ? intervint
Séleucos. Sais-tu que Perdiccas est amoureux de ta sœur ? »
    Perdiccas rougit et poussa son
camarade si violemment qu’il le projeta au sol.
    « Vraiment ! insista
Séleucos. Je l’ai vu lui faire les yeux doux au cours d’une cérémonie
officielle. Un garde du corps qui fait les yeux doux ! Ah, ah !
    — Et vous ne savez pas tout,
ajouta Ptolémée. Demain, il doit commander l’escorte qui conduira la princesse
au temple de la déesse Artémisia, où elle ira offrir son premier sacrifice
d’initiation. Si j’étais toi, je ne me fierais pas à lui ! »
    Notant le visage cramoisi de
Perdiccas, Alexandre tenta de changer de conversation. Il réclama un peu de
silence. « Dites, jeunes gens ! Juste une chose. Je voudrais vous
dire que je suis content de vous retrouver et que je suis fier que mes amis et
camarades composent la troupe d’Alexandre ! » Il leva la coupe et la
but d’un trait. « Du vin ! ordonna Ptolémée. Du vin pour tout le
monde ! »
    Il battit des mains. Alors, tandis
que ses hôtes prenaient place sur leurs lits, les esclaves commencèrent à
verser le vin en penchant le cratère, puis ils servirent les plats : des
perdrix à la broche, des grives, des coqs de montagne, des canards, ainsi que
de rares et excellents faisans.
    Alexandre avait voulu que son
meilleur ami, Héphestion, soit assis à sa droite ; à sa gauche se trouvait
Ptolémée, le maître de maison.
    Après le gibier, on servit un quart
de veau rôti que l’écuyer tranchant découpa avant d’en déposer un morceau
devant chaque convive, tandis que les serviteurs apportaient des paniers de
pain sortant du four, des cerneaux de noix et des œufs de canard bouillis.
    Puis les flûtistes firent leur
apparition et se mirent à jouer. Elles venaient de Mysie, de Carie, de Thrace
et de Bithynie, toutes exotiques et fort jolies. Certaines avaient les cheveux
tirés et attachés par des rubans colorés, d’autres des coiffes ourlées d’or et
d’argent ; leur costume imitait celui des Amazones : de courtes
tuniques, des arcs et des carquois, accessoires courants dans les théâtres.
    Plusieurs d’entre elles déposèrent
leur arc après la première chanson, leur carquois après la deuxième, puis leurs
chaussons et leur tunique, dénudant complètement leurs jeunes corps luisant
d’onguents parfumés à la lumière des lanternes. Elles dansèrent au son des
flûtes et des timbales évoluant, légères, devant les tables et entre les lits
des convives.
    Ceux-ci avaient cessé de manger,
mais ils continuaient de boire, ce qui redoublait leur excitation. Certains se
levèrent, ôtèrent leurs habits et s’unirent à la danse, que le rythme de plus
en plus rapide des timbales et des tambours conduisait à son paroxysme.
    Soudain, Ptolémée attrapa par la
main une fille en train de tourbillonner. Il la fit tourner sur elle-même de
façon qu’Alexandre pût la contempler. « C’est la plus belle, affirma-t-il.
Je l’ai prise pour toi.
    — Et pour moi ? demanda
Héphestion.
    — Celle-ci te
plaît-elle ? », dit Alexandre en arrêtant une fille ravissante, aux
cheveux roux.
    Les serviteurs avaient été chargés
de veiller que les lumières s’éteignent à un certain moment et que la salle fût
plongée dans une demi pénombre.
    Les jeunes gens s’étreignaient sur
les lits, sur les tapis et sur les peaux qui couvraient partiellement le sol,
tandis que la musique des flûtistes résonnait entre les murs ornés de fresques.
Elle semblait rythmer leur souffle et le mouvement de leurs corps entrevus sous
la lumière vacillante des rares lanternes brûlant encore aux coins de la grande
salle.
    Alexandre quitta les lieux au cœur
de la nuit, en proie à l’ivresse et à une excitation incontrôlable. On aurait
dit qu’une force longtemps réprimée s’était brusquement déchaînée en lui et
qu’elle le dominait complètement.
    Il s’immobilisa sur une terrasse du
palais pour reprendre ses esprits. Le vent de Borée soufflait. Il s’approcha du
parapet et contempla la lune qui se couchait derrière les

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