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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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moi.
    — Penses-tu être parvenu à
faire de moi un Grec ?
    — Je pense que je t’ai aidé à
devenir un homme, mais surtout, j’ai compris une chose : tu ne seras
jamais grec, ni macédonien. Tu seras seulement Alexandre. Je t’ai appris tout
ce qui était en mon pouvoir, désormais tu suivras ton propre chemin et personne
n’est en mesure de dire où il te conduira. Une seule chose est certaine :
ceux qui voudront te suivre devront tout abandonner, maison, parents et amis,
patrie, et s’aventurer dans l’inconnu. Adieu, Alexandre, que les dieux te
protègent.
    — Adieu, Aristote. Que les
dieux te gardent aussi, s’ils veulent qu’un peu de lumière brille sur ce
monde. »
    Ils se quittèrent ainsi, sur un long
regard. Jamais plus ils ne se revirent.
    Cette nuit-là, Alexandre demeura
longtemps éveillé, sous l’emprise d’une forte agitation qui l’empêchait de
s’endormir. Il regardait par la fenêtre la campagne paisible et la lune qui
éclairait les cimes encore blanches du mont Bermion et de l’Olympe, mais déjà
il entendait le fracas des armes, le hennissement des chevaux lancés au galop.
    Il songeait à la gloire d’Achille,
qui avait mérité le chant d’Homère, songeait à la bataille qui faisait rage et
aux chocs des armes, mais ne parvenait pas à comprendre comment tout cela
pourrait cohabiter dans son esprit avec la pensée d’Aristote, les images de
Lysippe, les poèmes d’Alcée et de Sapho.
    La réponse résidait peut-être dans
ses origines, pensa-t-il, dans la nature de sa mère Olympias, à la fois sauvage
et mélancolique, et dans celle de son père, aimable et impitoyable, impulsive
et rationnelle. Peut-être résidait-elle dans la nature de son peuple, qui
tournait le dos aux tribus barbares les plus sauvages et faisait face aux cités
grecques, avec leurs temples et leurs bibliothèques.
    Le lendemain, il rencontrerait sa
mère et sa sœur. Les trouverait-il changées ? Et avait-il changé
lui-même ? Quelle serait sa place, désormais, au palais royal de
Pella ?
    Il tenta de calmer le tumulte de son
esprit par la musique et, après s’être saisi de sa cithare, il vint s’asseoir
sur le rebord de la fenêtre. Il joua une chanson qu’il avait entendue de
nombreuses fois dans la bouche des soldats de son père, la nuit, autour du feu
du corps de garde. Une chanson aussi rude que le dialecte montagnard, mais
pleine de passion et de nostalgie.
    À un certain moment, il s’aperçut
que Leptine était entrée dans sa chambre, attirée par la mélodie, et qu’elle
l’écoutait avec fascination, assise au bord du lit.
    La lueur de la lune caressait son
visage et ses épaules, ses bras blancs et lisses. Alexandre reposa la cithare
tandis qu’elle dénudait sa poitrine d’un geste léger, et il s’allongea à ses
côtés. Alors elle serra sa tête contre ses seins et lui caressa les cheveux.

20
    Alexandre fut présenté à l’armée rangée trois jours après son retour à
Pella ; il passa les troupes en revue aux côtés de son père, revêtu de son
armure et monté sur Bucéphale : d’abord, de droite à gauche, la cavalerie
lourde des hétairoï, les « compagnons du roi », les nobles
macédoniens de toutes les tribus montagnardes ; puis l’infanterie de ligne
des pézétairoï, les « compagnons à pied », composée de paysans de la
plaine et encadrée par la formidable phalange.
    Ils étaient disposés sur cinq lignes
et brandissaient des sarisses de plus en plus longues au fur et à mesure que
l’on s’éloignait du premier rang, si bien que lorsque les soldats les
baissaient, toutes les pointes se trouvaient alignées sur le devant.
    Un officier ordonna aux hommes de
présenter les armes, et une forêt de lances ferrées se tendit pour rendre les
honneurs au roi et à son fils.
    « Souviens-toi mon
garçon : la phalange est l’enclume, et la cavalerie le marteau, dit
Philippe. Quand une armée ennemie est poussée par nos cavaliers contre cette
barrière de pointes, elle n’a pas d’issue possible. »
    Puis, sur l’aile gauche, ils
passèrent en revue la « Pointe », l’escadron de tête de la cavalerie
royale, qu’on lançait au moment crucial de la bataille pour lâcher la dernière
salve, celle qui tirait de ses gonds l’armée ennemie.
    Les cavaliers crièrent :
« Salut à toi, Alexandre ! » Ils firent retentir leurs javelots
sur leurs boucliers – un hommage exclusivement réservé à leur chef.
    « Le

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