Le Roman des Rois
Guillaume aux Blanches Mains, l’un des oncles de Champagne, qui célèbre le mariage.
La cérémonie aura donc lieu le 29 avril 1180 au château de Bapaume, dans l’Artois, et, parce qu’il faut se presser, devancer une éventuelle attaque des Champenois, Philippe Auguste décide que le couronnement des deux époux se déroulera au lever du soleil, dans l’abbaye de Saint-Denis.
Adèle, sa mère, et ses frères de Champagne jugent ces premiers actes comme autant de rébellions. Depuis la Norman
die où elle s’est enfuie, elle demande l’aide du roi Henri II Plantagenêt. Celui-ci débarque en Normandie, appelle une levée de troupes dans tous ses États. Philippe répond en sollicitant l’envoi de chevaliers et de piétons par le comte de Hainaut, son beau-père.
On s’apprête au combat quand, tout à coup, un chevalier paraît, porteur d’un message du roi d’Angleterre : que les deux souverains se rencontrent à Gisors et signent un traité de paix au lieu de s’affronter, suggère Henri Plantagenêt.
« C’est la volonté de Dieu, écrit Eudes de Thorenc, qui a conduit les deux rois à laisser les glaives dans leurs fourreaux.
« Henri II Plantagenêt devint l’allié de Philippe Auguste alors qu’il aurait pu profiter des faiblesses du jeune roi. »
Il s’est conduit en vassal respectueux de son suzerain, refusant d’attaquer un monarque d’à peine quinze ans.
Sans doute a-t-il aussi craint une guerre longue et incertaine, ainsi que les ambitions de ses propres fils, rivaux entre eux.
« Le 28 juin 1180, j’ai vu les deux rois agenouillés côte à côte dans la chapelle du château de Gisors, écrit encore Eudes de Thorenc.
« Je les ai vus au festin célébrant leur alliance. Philippe Auguste, si jeune d’âge, avait déjà le maintien et le regard d’un grand roi. »
Et lorsque, quelques mois plus tard, le 19 septembre 1180, Louis VII mourut, on n’eut pas à crier : « Le roi est mort, vive le roi ! », car Philippe Auguste régnait déjà depuis plusieurs mois en maître souverain du royaume de France.
10.
Philippe Auguste se tient immobile, appuyé à son glaive, cependant que chevaliers et barons s’agenouillent devant lui.
Il lit dans le regard de ces hommes l’étonnement, souvent aussi le dépit et l’irritation.
Il est un souverain d’à peine seize ans au corps encore fluet de jeune écuyer, alors qu’ils ont le visage et le torse tout couturés. Certains reviennent de Terre sainte et appartiennent, comme Eudes de Thorenc, à l’ordre des Templiers. Ils sont les chevaliers du Christ. Ils portent l’armure et la croix depuis des années. Ils ont guerroyé, tué, et leurs cicatrices témoignent de leur bravoure. Mais ils sont les vassaux de cet enfant qui n’a jamais combattu.
Ils sont partagés, car ils admirent ce jeune roi qui sait s’opposer aux comtes de Champagne, de Flandre, et au roi d’Angleterre sans jamais baisser les yeux.
Et ils le reconnaissent comme leur suzerain parce qu’il a été sacré à Reims, que sa lignée capétienne ne s’est jamais interrompue, qu’il règne donc par la grâce de Dieu.
Ces chevaliers respectent le roi et lui obéissent parce qu’à Reims, en même temps qu’il recevait l’onction divine, il a prêté serment solennel de défendre l’Église, mère et fille de Dieu.
Ils sont prêts à se battre à ses côtés, pour lui, afin de défendre et agrandir le domaine royal de la lignée Très Chrétienne des Capétiens.
La défendre, certes, car jamais elle n’a été aussi menacée. Philippe Auguste le dit sans que sa voix trahisse aucune peur. Les chevaliers lui font confiance, prennent la mesure de son habileté.
Il déclare que les comtes de Champagne, de Flandre et de Bourgogne se sont réunis au château de Provins, le 14 mai 1181. Les comtes de Blois et de Chartres ainsi qu’Étienne de Sancerre les y ont rejoints. La ligue qu’ils ont ainsi constituée entend attaquer le domaine royal par le nord et par le sud.
« J’ai prévenu le roi, écrit mon aïeul Eudes de Thorenc, que j’avais connu le comte Étienne de Sancerre en Terre sainte, que les promesses de ce chevalier n’étaient que de vil métal, monnaie de cuivre et non d’or. »
Ce comte s’était engagé à épouser la fille du roi de Jérusalem, puis avait renié sa parole et avait dû s’enfuir de Terre sainte comme un voleur ou un traître pourchassé. Les Arméniens de Cilicie l’avaient dépouillé et
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