Le Roman des Rois
d’Angleterre.
« J’ai vu Philippe Auguste entourer Geoffroy d’égards, l’ensevelir sous les promesses. Il serait sénéchal de France, et déjà il était reçu et fêté à la cour de France comme s’il avait été le frère chéri de Philippe Auguste qui réclamait pour lui, auprès d’Henri II, le comté d’Anjou », écrit Eudes de Thorenc.
La partie semblait bien engagée, mais Dieu seul dispose de l’avenir – en août 1186, la fièvre maligne saisit Geoffroy Plantagenêt qui ne fut plus qu’un corps raidi, revêtu de son armure, et qu’on déposa en terre.
« Jamais je n’avais vu Philippe Auguste, le visage noyé de larmes, criant ainsi sa douleur. On eut de la peine à l’empêcher de se précipiter dans la fosse, précise Eudes de Thorenc.
« Sa peine fut plus profonde que le trou creusé pour accueillir le mort, mais, moins d’un an plus tard, le roi de France partait en guerre, à la tête de ses vassaux et de ses bandes de routiers soldés. Il chevaucha vers Issoudun, après avoir franchi le Cher. Il contraignit Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre à se réfugier à Châteauroux. Les routiers du roi de France envahirent la ville cependant qu’approchait la grande armée d’Henri II, venu porter secours à ses fils. »
On attendait que les chevaliers s’affrontent, que le sang des piétons et des routiers des deux camps coule, mais Henri II envoie des messagers à Philippe Auguste : il veut la paix, il
craint la trahison de Richard Coeur de Lion, puisqu’il a promis à Jean sans Terre la moitié de son héritage.
Et Richard de s’indigner, et Philippe Auguste de se pencher vers lui, de l’écouter, de lui tendre la main, de le traiter aussi bien qu’il traita naguère Geoffroy.
Il aime avec ferveur ceux qui contribuent à affaiblir le roi d’Angleterre.
Richard et Philippe ne se quittent plus, marchent en se tenant par l’épaule ou par le bras, festoient, assis côte à côte à la même table, puisant dans le même plat, et, la nuit, ils couchent dans le même lit comme de jeunes chevaliers adoubés le même jour.
Entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion l’alliance est ainsi acquise avant même d’avoir été scellée.
Mais Philippe n’entend pas disposer d’une seule arme : il lui faut certes le glaive de Richard, mais aussi celui de Barberousse.
Et qui a assisté à la rencontre entre le roi de France et l’empereur germanique ne sera pas près de l’oublier.
Le soleil se reflète, aveuglant, sur les eaux noires de la Meuse. Les deux souverains marchent l’un vers l’autre, entourés de chevaliers portant des oriflammes. On se promet alliance et assistance. Le comte Baudouin de Hainaut, beau-père du roi, obtient de Frédéric le comté de Namur, et Philippe Auguste donne une charte aux habitants de Tournai qui vont lui fournir pour son « ost » – le service militaire dû par le vassal – un contingent de trois cents hommes.
Le roi a élargi son royaume au nord de son domaine.
Il est désormais prêt pour la guerre contre Henri II d’Angleterre.
On est au début de l’année 1188.
Les armées se rassemblent. Les rois, à Gisors, se querellent. Philippe réclame le château, le mariage d’Alix de France avec Richard Coeur de Lion.
Mais, tout à coup, voici qu’arrivent, couverts de poussière, les traits creusés par la fatigue de la course, des chevaliers du Temple qui précèdent le légat du pape. Ils annoncent que Jérusalem est tombée aux mains des Infidèles, guidés par Saladin, le sultan d’Égypte. Les villes d’Acre, de Jaffa, de Beyrouth ont aussi été conquises, le roi Gui de Lusignan fait prisonnier, et les chevaliers chrétiens massacrés.
L’heure n’est plus aux guerres entre chrétiens, répète le légat du pape, mais à l’union de tous, souverains, évêques, barons, chevaliers, autour de la bannière de la Croix. Il faut reconquérir Jérusalem et les villes de Terre sainte, se croiser !
Richard Coeur de Lion proclame avec enthousiasme qu’il faut se mettre en route pour une troisième croisade.
« J’ai vu avancer l’un vers l’autre, bras ouverts, mon roi Philippe Auguste et le roi d’Angleterre, Henri II Plantagenêt, écrit Eudes de Thorenc.
J’ai pensé à mes frères chevaliers du Temple, soldats de la milice du Christ, que les Turcs de Saladin avaient égorgés, transpercés de flèches, quelquefois écorchés vifs.
J’ai pleuré quand les deux rois se sont
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