Le Roman des Rois
donnés le baiser de la paix, cependant que leurs vassaux et chevaliers, leurs piétons, leurs sergents et leurs routiers les acclamaient.
Et je me suis apprêté à partir en croisade aux côtés des rois réconciliés, sous la bannière blanche à croix rouge. »
Mais les hommes ont beau être rois, comtes ou barons, ils demeurent des hommes.
Les barons de Richard Coeur de Lion se sont rebellés contre lui, et sans doute est-ce Henri II, son père, qui les a incités, en
Aquitaine, avec l’aide de ceux du Languedoc, à se dresser contre Richard afin de l’affaiblir et de l’empêcher de partir pour la Palestine.
Qui saurait s’y retrouver dans les méandres des intrigues royales ?
Aussitôt, Richard Coeur de Lion tourna bride et, au lieu de gagner la Terre sainte, il s’empara des châteaux du Languedoc et réduisit ses vassaux à l’obéissance.
Philippe Auguste et Henri II s’engagèrent à leur tour dans cette guerre, heureux de ne pas se croiser.
Car guerroyer en terre de France, c’est faire bonne chasse et gros butin.
Car combattre en Palestine, c’est offrir sa vie au Seigneur, tout risquer et bien peu gagner !
Philippe Auguste repoussa tous les appels à la paix : ceux du légat du pape comme ceux d’Henri II Plantagenêt.
« Le roi de France, rugissant comme le lion, tournait en dérision tous les messages de celui d’Angleterre. »
Et les villes et châteaux continuèrent d’être pillés, brûlés, les chevaliers chrétiens de s’entre-tuer.
Ainsi, de juillet à octobre 1188, on oublia le tombeau du Christ et la Terre sainte.
Et pas plus les rois que Richard Coeur de Lion ne se soucièrent plus des victoires de Saladin, cueillant comme des fruits mûrs les villes chrétiennes de Palestine.
« J’ai rassemblé les chevaliers qui avaient appartenu au Temple, raconte Eudes de Thorenc. Je leur ai rappelé notre serment, notre charte, telle que l’avait écrite saint Bernard de Clairvaux. Je leur ai prêché la croisade, et les grands féodaux, les comtes de Flandre, de Chartres et de Blois, nous ont rejoints.
Je sais que leurs pensées, comme des rivières en crue, entraînaient des branches mortes. Ils craignaient la victoire de Philippe Auguste et souhaitaient le voir s’éloigner de leurs châteaux.
Alors ils prêchaient eux aussi la croisade.
Quant aux piétons, sergents et routiers qui n’étaient plus payés par le roi dont les coffres étaient vides, ils jurèrent eux aussi leur foi en Christ et leur volonté de libérer Son tombeau. »
Le 18 novembre 1188, rois, comtes et barons se rencontrèrent à Bonmoulins, à la frontière du duché de Normandie.
Mais, une fois face à face, les rois oublièrent derechef la Terre sainte et parlèrent héritage.
Philippe Auguste soutint Richard Coeur de Lion contre son père.
« Je vois maintenant la vérité de ce que je n’avais pas osé croire ! » s’écria Richard en découvrant qu’Henri II ne voulait pas le désigner comme son héritier, mais favorisait Jean sans Terre, son fils préféré.
Alors, tournant le dos à son géniteur, Richard Coeur de Lion, comte de Poitou, duc d’Aquitaine, s’agenouilla, mains jointes, devant Philippe Auguste comme un chevalier fait hommage à son suzerain.
D’une haute voix assurée, il dit se déclarer le vassal du roi de France pour la Normandie, le Poitou, l’Anjou, le Maine, le Berry et le Toulousain.
Philippe Auguste l’aida à se relever et tous deux, du même pas, s’éloignèrent côte à côte, le cercle des comtes et des barons s’ouvrant devant eux.
12.
Que peut Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, contre l’alliance de son fils, le valeureux et orgueilleux Richard Coeur de Lion, avec l’habile et volontaire roi de France, Philippe Auguste ?
Ses vassaux, les barons de l’Anjou, du Maine, du Vendômois, du Berry, l’abandonnent et font hommage aux jeunes alliés, Richard et Philippe.
Henri II ne peut même pas être certain de la fidélité de son dernier fils, celui qu’il a toujours préféré, Jean sans Terre. Aussi hésite-t-il à engager le combat. Chevauchant, il erre, de la Normandie à la Touraine, à la tête des chevaliers qui ne l’ont pas abandonné, de tous ceux pour qui il est encore le puissant souverain d’Angleterre. Il veut gagner du temps, négocier, éviter l’affrontement.
Il rencontre Philippe et Richard à La Ferté-Bernard.
Dans les grandes pièces voûtées du château, on entend tinter les
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