Le Roman des Rois
Auguste, grand-père de Louis de Poissy, le 14 juillet 1223.
Mort de Louis VIII, père de Louis de Poissy, le 8 novembre 1226.
Louis de Poissy a alors douze ans. Il sera adoubé chevalier à la mi-novembre, à Soissons, sur la route de Reims où il doit être sacré roi de France.
Trois cents chevaliers en armes sont allés chercher à l’abbaye de Saint-Remi la sainte ampoule qui contient l’huile sainte. Mais l’archevêque de Reims vient de mourir et c’est l’évêque de Soissons qui couronne et oint le nouveau souverain.
Louis IX est sacré, il porte la couronne et le sceptre, mais ce n’est qu’un enfant de douze ans.
Son père, quelques heures avant sa mort, a exigé de ses barons qu’ils prêtent serment d’allégeance à celui qui va être
Louis IX, et qu’ils reconnaissent la mère de l’enfant, Blanche de Castille, pour régente jusqu’à la majorité de Louis.
Ceux qui étaient présents le 8 novembre 1226 à Montpensier, en Auvergne, là où agonise et meurt Louis VIII d’une fièvre de ventre qui le vide et réduit ses entrailles en sang noir, ont prêté ce serment.
Ceux-là « gardent l’honneur, la couronne de France et ce qui en dépend », dit le trouvère Robert Sanceriau.
Cependant, il y a toujours les autres, ceux qui ont subi la dure loi de Philippe Auguste, le Conquérant.
Comment, de son vivant, se dresser contre celui qui, à Bouvines, le 27 juillet 1214, avait écrasé ses barons félons, Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, et Ferrand, comte de Flandre, tous deux alliés à Jean sans Terre, roi d’Angleterre, et à Otton de Brunswick, qui fut empereur germanique avant d’être excommunié ? Faits prisonniers, Renaud de Dammartin et Ferrand pourrissent dans les cachots du roi. Mais, puisque le royaume n’est plus gouverné que par un enfant, une femme et quelques vieillards, le moment n’est-il pas venu de secouer le joug du roi de France ?
Et le trouvère que j’écoute dit bien qu’ils sont nombreux,
ceux qui ont volonté et talent
de faire trahison au Roi et à sa gent.
Dans la cathédrale de Reims s’avance Philippe Hurepel, et sur ses bras tendus repose l’épée qu’il doit remettre à Louis. Grand honneur ! Mais Philippe Hurepel est le fils légitimé de Philippe Auguste et d’Agnès de Méran. Sous ses cheveux « hérissés », Hurepel a le visage de ceux qui joignent l’ambition à la volonté. Il est l’oncle du roi enfant. Il est puissant et riche. Louis VIII lui a attribué les domaines du félon Renaud
de Dammartin. Il est donc comte de Boulogne. Comment pourrait-il ne pas rêver au pouvoir royal ?
Plus ambitieux que lui encore, absent à Reims, il y a Pierre de Dreux, dit Mauclerc, comte de Bretagne. Homme cruel, il a fait emmurer ses ennemis, enterrer vif un prêtre. Il songe au trône de France.
Tous les grands seigneurs, ceux des grands fiefs, de Champagne, de Toulouse, de Flandre, de Guyenne, veulent reconquérir leur souveraineté perdue ou affaiblie par la poigne de Philippe Auguste.
Je lis la supplique de Jeanne de Flandre qui demande qu’on libère de la tour du Louvre son époux, le comte Ferrand.
J’entends la chanson composée par le comte Thibaud IV de Champagne qui avoue son amour pour la reine régente, Blanche de Castille :
Celle que j’aime est de telle seigneurie
Que sa beauté me fait déraisonner…
On dit que Thibaud a fait commerce d’amour charnel avec la reine, que Louis VIII s’en est offusqué et que le comte l’a fait empoisonner.
Mensonge perfide ! Blanche de Castille est mère de sept enfants. Elle porte encore le dernier lorsque meurt son époux, Louis VIII. Elle est pieuse et orgueilleuse. C’est elle et les barons fidèles au roi de France qui ont fait savoir à Thibaud IV qu’il lui serait interdit de paraître à Reims.
Le comte de Champagne est donc absent, tout comme Hugues Le Brun de Lusignan, comte de la Marche, et Hugues de Châtillon, comte de Saint-Pol.
J’avais imaginé la naissance de Louis de Poissy accueillie par des transports de joie, des dévotions liguées pour le protéger et l’aider, et je découvre au contraire des ambitions croi
sées, des jalousies, des ressentiments aigris, des coalitions qui se nouent contre le roi de douze ans.
Avant d’être reconnu saint, faut-il gravir le Calvaire ?
Mon père Denis de Thorenc et le chroniqueur Jean de Joinville m’ont presque dans les mêmes termes confié comment, plus tard, ils se
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