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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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chevalier valeureux, homme de foi, que l’adversité ne brisait pas.

cinquième partie
    (avril 1250 -  septembre 1254)
    « Je n’ai point gagné ce que je désirais le plus gagner, la chose pour laquelle j’avais laissé mon doux royaume de France et ma mère, plus chère encore, qui criait après moi, la chose pour laquelle je m’étais exposé aux périls de la mer et de la guerre…
    – Et qu’est-ce donc, ô Seigneur Roi, que vous désirez si ardemment ?
    – C’est votre âme que le diable se promet de précipiter dans le gouffre ! »
    Entretien de S aint L ouis , durant sa captivité, avec un émir, mai 1250.
    58.
    J’étais auprès du roi en ces jours d’avril et mai 1250 qui furent ceux de la plus grande épreuve que puisse endurer un souverain chrétien.
    Nous entendions les cris des chevaliers et des hommes d’armes malades ou blessés que les Infidèles massacraient. Ni le plus humble des arbalétriers, des sergents à pied, ni le plus riche des barons, ni le roi ne pouvaient imaginer, prévoir ce qu’il adviendrait de lui dans l’heure d’après.
    J’entendis les menaces proférées contre le roi : on allait le torturer s’il n’abjurait pas.
    On frôlait son visage et sa poitrine avec la lame d’un glaive couvert de sang séché.

    Puis le sultan se présentait à lui, lui faisait confectionner une robe de soie noire fourrée de vair et de gris, où il y avait grande foison de boutons d’or, et ordonnait qu’on le soignât.
    Il interrogeait le roi avec respect, indiquait que les Mamelouks avaient tué près de trente mille chrétiens, sans compter ceux qui s’étaient jetés dans les flots et s’y étaient noyés. Les prisonniers étaient si nombreux, peut-être une vingtaine de milliers, qu’il fallait bien tuer ceux qui ne pouvaient marcher.
    Nous écoutions en dissimulant nos larmes.

    Des Sarrasins poussaient parmi nous des barons qui venaient d’être pris sur les navires qui tentaient de gagner Damiette.
    Joinville avait jeté dans le Nil ses bijoux, ses pièces d’or, et même ses reliques afin qu’elles ne fussent pas profanées.
    Les mariniers n’avaient eu la vie sauve qu’à condition de se convertir à l’islam, et tous l’avaient fait aussitôt.
    Puis on avait relégué les barons à fond de cale après les avoir enchaînés.

    Dans cette pénombre poisseuse, avec la honte et la mort pour compagnes, l’un d’eux répétait qu’ils avaient tous été fols, aveuglés par Satan, de se faire la guerre quand ils vivaient libres dans leur royaume de France, ou en Languedoc ou Poitou, en Flandre ou Champagne. Et si Dieu les reconduisait en terre française, ils se souviendraient de ce qu’ils avaient vécu et vivraient désormais en bonne entente.
    Et ils seraient fidèles à leur roi, qui, lorsqu’il établissait avec le sultan et ses émirs les conditions de sa libération contre une rançon de cinq cent mille livres, exigeait que tous les chrétiens eussent le même sort que lui.

    Les Sarrasins étaient chaque jour plus admiratifs du roi qu’un émir appelait « homme sage et de très grande intelligence ».

    « Comment a-t-il pu venir à l’esprit de Votre Majesté, eu égard à toute la vertu et au bon sens que je vois en lui, lui demandait-il, de monter sur un navire et de chevaucher le dos des vagues, de venir dans un pays peuplé de musulmans et de guerriers dans la pensée de le conquérir et de s’en faire le seigneur ? Cette entreprise est le plus grand risque à quoi il pouvait s’exposer, lui et ses sujets. »
    Le roi savait-il que la Loi musulmane interdisait de recevoir le témoignage de quelqu’un qui avait plusieurs fois pris la mer, car il s’agissait d’un insensé ?
    Le roi avait ri.
    Et l’interprète avait hésité à traduire ses propos quand il avait dit qu’il avait voulu et voulait encore sauver les âmes des Infidèles, les convertir à la foi chrétienne.
    L’émir avait ri à son tour. Le roi avait poursuivi :
    « Je ne puis assez m’étonner que vous, qui êtes des hommes discrets et circonspects, vous ajoutiez foi à cet enchanteur, Mahomet, qui commande et permet tant de choses déshonnêtes. En effet, j’ai regardé et examiné son Alcoran et je n’y ai vu qu’impuretés, tandis que d’après les âges anciens, voire même les païens, l’honnêteté est le souverain bien dans cette vie… »
    L’émir eut un mouvement de colère et nous nous serrâmes autour du roi.

    Nous priâmes.
    Nous

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