Le sac du palais d'ete
dans les grandes pêcheries côtières ou les ateliers textiles que dans les mines de sel creusées dans les chaînes montagneuses, où les conditions de vie des ouvriers étaient encore plus effroyables que partout ailleurs.
Arrivés sur ce qui tenait lieu de place centrale à ce petit village qui comptait à peine une trentaine de maisonnettes blotties les unes contre les autres, ils se rendirent à son unique épicerie, un baraquement de planches disjointes. Sur le seuil apparut une vieille femme à la face joyeuse mais dont la peau était fripée comme celle d’une vieille pomme.
Bonjour, madame. Nous cherchons la maison de Hong Xiuquan… lui expliqua Mesure de l’Incomparable après s’être incliné avec tout le respect dû à une aïeule.
— Hong est mon neveu. Mon nom est Étoile Majeure de l’Ouest. Que puis-je pour vous ?
— Savez- vous s’il est chez lui ?
— Il y a bien six mois qu’il n’a pas mis les pieds ici ! Mais qui êtes-vous ?
— Je suis un ami de Hong. Il m’a dit que je serais bien accueilli si je venais ici, dans la montagne des Cardons.
— Vous faites partie des Adorateurs de Dieu ?
— Moi oui ! Pas elle… du moins pour l’instant !
— C’est elle qui a raison, glissa la vieille femme avant de balayer l’air d’un coup de chasse-mouches.
— Pourquoi dites-vous ça ? s’enquit la contorsionniste, plutôt amusée.
— Hong a toujours eu des idées bizarres ! Tout petit, il voyait déjà des démons gui un peu partout ! soupira Étoile Majeure que son neveu n’avait visiblement pas acquise à sa cause.
— Il mène un combat contre l’injustice et pour la restauration d’un pouvoir public digne de ce nom ! lui rétorqua le jeune Chinois, d’un ton crispé.
— Puis-je vous offrir quelque chose à manger ? leur proposa la vieille femme, qui n’avait pas envie de polémiquer avec son visiteur.
Elle les fit passer dans une petite pièce poussiéreuse où un chaudron mijotait dans l’âtre.
— J’avalerais bien un peu de riz avec des légumes… J’ai l’estomac dans les talons, déclara Jasmin Ethéré qui mourait de faim.
Depuis trois jours, ils ne mangeaient que des racines.
— Non seulement j’ai du riz, mais j’ai aussi de très bons œufs de caille à battre dedans ! Avec de la ciboule, c’est délicieux. Prenez place ! s’écria Étoile Majeure de l’Ouest en leur désignant deux minuscules tabourets.
Puis, comme une abeille industrieuse, elle commença à s’affairer et ne mit que quelques instants à leur préparer un délicieux riz cantonais qu’ils engloutirent avec appétit.
— Comment Hong s’est-il converti à la religion du Christ ? s’enquit entre deux bouchées Mesure de l’Incomparable, curieux de connaître les circonstances qui avaient permis à son modèle de découvrir l’existence d’un personnage aussi fascinant que cet homme envoyé sur terre par Dieu.
— Hong a toujours témoigné d’un grand intérêt pour le monde des idées. Tout jeune, il était l’orgueil de son père ! Songez qu’il passa son premier examen officiel à treize ans et qu’à dix-huit, il possédait son diplôme d’instituteur !
— Belle performance ! Et pourquoi n’a-t-il pas songé à devenir Zhengyuan {6} ?
— Figurez-vous qu’il échoua à ce concours… et même trois fois de suite. La dernière fois, il avait vingt-trois ans… Je me souviendrai toujours de son visage décomposé lorsqu’il revint du centre d’examens de Canton ! souffla d’une voix triste Étoile Majeure de l’Ouest.
— Un centre d’examens ? J’ignorais qu’il en existât ! intervint, la bouche pleine, Jasmin Éthéré.
— Celui de mon pauvre Hong ne comptait pas moins de sept mille cinq cents cellules individuelles… Une pour chaque candidat. … Je précise que pour ce seul examen, ils étaient huit fournées, soit, en tout, soixante mille…
— Pour combien de postes ?
— Cinquante-huit très exactement ! Autant participer à un tirage au sort ! Hong aurait mieux fait de s’abstenir. Cela lui eût évité une sérieuse déconvenue !
Mesure de l’Incomparable comprenait mieux à présent la rancœur dont témoignait Hong à l’égard du système des examens mandarinaux dont il ne cessait de dénoncer les trucages. Il imaginait facilement le désarroi et la fureur du fondateur des Adorateurs de Dieu lorsqu’il avait découvert cette
Weitere Kostenlose Bücher