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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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faire quoi que ce soit.
    —  Enfin… si vous vous convertissez à la religion des Adorateurs de Dieu, vous n’êtes pas au bout de vos surprises, soupira la vieille dame en se tournant vers la contorsionniste.
    —  Ce n’est pas encore fait, souffla celle-ci, rétive par principe à tous les embrigadements.
    —  Hong a échappé à un guet-apens… lâcha Mesure de l’Incomparable, une fois son riz avalé.
    —  J’espère qu’il n’a pas été blessé ! s’écria sa tante.
    —  Les balles l’ont évité.
    —  C’est heureux ! Hong prend tellement de risques !
    —  Il nous a expliqué que c’était ici qu’il fallait l’attendre. Il ne devrait pas tarder à arriver.
    —  Sur le mont des Cardons, personne ne viendra lui chercher noise !
    Après les avoir menés, à l’écart du village, vers une sorte de clairière entourée par un rideau de canne à sucre, elle les installa dans un cabanon où ils ne tardèrent pas à s’endormir.
     
    *
    * *
     
    Leur première nuit s’était écoulée dans un silence à peine troublé de temps à autre par l’appel des crapauds. Jasmin Éthéré se réveilla la première. Le soleil dardait déjà ses premiers rayons sur la courtepointe dévastée par leur folle étreinte. Rompant la trêve de la paix nocturne, un coq signala fièrement sa présence, précédant les gloussements de plus en plus distincts et satisfaits de ses protégées au fur et à mesure qu’elles sortaient du poulailler pour aller prendre l’air. Puis, à l’approche de leur pâtée, les grognements des gorets se transformèrent en cris suraigus, en même temps qu’au cliquetis des ustensiles de cuisine succédait le tintamarre des écuelles en fer-blanc qu’on disposait sur la table pour le premier repas de la journée. Bref, le village de Jintiancun, peu à peu, reprenait vie.
    Ces bruits du matin à la campagne rappelèrent à Jasmin Éthéré son enfance et les lourds seaux d’eau qu’il fallait aller puiser, dès l’aurore, de l’autre côté de la vallée où habitait sa grand-mère. À la campagne, les femmes n’étaient que de pauvres esclaves auxquelles incombaient les travaux les plus pénibles comme le repiquage du riz ou le transport des lourdes charges de fourrage pour les animaux. Comme une armée de fantômes, les jours pénibles d’autrefois où elle était une orpheline exploitée par sa grand-mère revenaient en foule et s’entrechoquaient dans son esprit, laissant place à la peur panique de retomber dans sa condition d’hier. Assise dans son lit, elle sentit soudain la tyrannie des quatre murs de planches de la chambre minuscule où elle avait dormi et où d’autres femmes, avant elle, s’étaient réveillées au chant du coq pour aller préparer le repas des hommes.
    Alors, les yeux fixés sur Mesure de l’Incomparable encore endormi, Jasmin Éthéré se jura de quitter ces lieux qui lui rappelaient trop de mauvais souvenirs dès qu’elle aurait retrouvé quelques forces.
    Qui plus est, la perspective de devenir membre de la Société des Adorateurs de Dieu et de lier son destin à celui d’un homme aussi fou que ce Hong Xiuquan ne l’enchantait guère. Elle était bien trop éprise de liberté pour aliéner celle-ci au profit d’un tel individu ou pour adhérer à la cause obscure d’un Dieu en trois personnes devant lequel les hommes étaient censés se laisser manœuvrer comme de vulgaires marionnettes. Elle n’avait jamais accepté d’être la prisonnière de quiconque, ce n’était pas le moment d’aller se jeter dans les bras d’une divinité triple à laquelle, de surcroît, il convenait de tout sacrifier !
    À présent qu’elle avait échappé au danger d’être repérée par la police impériale, notre contorsionniste était décidée à poursuivre sa voie, celle de la liberté.
    Mesure de l’Incomparable risquait évidemment d’être déçu, mais elle ne l’imaginait pas quittant pour ses beaux yeux le mouvement Taiping et son chef charismatique. Elle était sûre qu’il comprendrait son point de vue. Chacun sa route et chacun son chemin ! C’était donc sans le moindre état d’âme qu’elle s’envolerait vers d’autres deux.
    Poursuivant sa tâche de coloriste génial, le soleil commençait à dessiner d’incandescentes rayures de feu sur les murs de leur cabanon lorsqu’elle se faufila à l’extérieur, soulagée par sa décision, pour aller marcher seule sur un de ces sentiers escarpés qui menaient

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