Le sac du palais d'ete

Autant de perspectives qui n’étaient pas pour déplaire à un jeune homme nationaliste et généreux de son espèce.
    —  Il t’a enrôlé comme ça   ? lui avait demandé Jasmin Éthéré, assez stupéfaite.
    Bien trop éprise de sa propre liberté, elle ne se voyait pas changeant brusquement de vie après avoir écouté un prêche, fût-il conforme à ses propres convictions.
    —  Je n’ai pas hésité une seconde lorsqu’il m’a dit que j’avais les qualités requises et qu’il me suffisait de le suivre !
    —  Ainsi, sur-le-champ, tu as tout quitté de ta vie antérieure   ?
    —  Les disciples qui suivirent Jésus furent enrôlés par le Seigneur d’un simple regard !
    —  Tu veux parler de ce Jésus qui est le fils du Dieu Unique   ?
    —  Bravo ! Tu as bien appris la leçon, Jasmin Éthéré ! s’était-il exclamé avant d’être interrompu par l’arrivée de Prune Sombre venant s’assurer, une assiette de poires à la main en guise de cadeau de bienvenue, qu’ils avaient passé une bonne nuit.
    —  On a dormi comme des loirs ! Pas vrai, Jasmin Éthéré   ? lui avait répondu, enthousiaste, le Taiping.
    —  As-tu fait au moins un beau rêve   ? avait ajouté la vieille paysanne à l’intention de la belle contorsionniste.
    —  Oui ! J’en ai fait un… avait murmuré celle-ci en rougissant.
    Dès que la vieille était repartie, il s’était à nouveau jeté sur elle et leur troisième étreinte avait eu lieu, encore plus forte que les deux premières. Foin des simagrées ! La contorsionniste s’en était alors donné à cœur joie. Le moindre grain de sa peau, le moindre recoin de son corps avaient encore en mémoire les caresses de son partenaire. Enivrée par le désir, elle avait abandonné toute retenue, prenant l’initiative, le léchant de pied en cap, retardant l’entrée de sa Tige de Jade dans sa Vallée des Roses jusqu’à l’amener au bord de l’explosion. Les leçons de Tang avaient porté. Elle connaissait désormais sur le bout des doigts l’art de se faire désirer et aimer par un homme, qui consiste à lui donner envie et à le rendre fou de désir tout en prenant garde de ne rien lâcher trop vite.
    Mesure de l’Incomparable accentua légèrement la pression de ses doigts sur le Bouton de Rose du sexe de son amante. En même temps qu’elle émergeait de son sommeil, la jeune femme se mit à gémir doucement. Il n’avait qu’à attendre. Une fois encore, la magie opérerait et le rituel de l’amour se déroulerait dans cette chambre pauvrement meublée qui, du coup, prendrait des allures de grotte enchantée.
    Il regarda les vêtements épars de son amante sur lesquels la lumière inondante du soleil s’attardait, lui rappelant que depuis qu’ils dormaient ensemble, elle finissait toujours nue…
    Se tournant de son côté, il la vit se réveiller, légèrement nuageuse, avec des airs d’enfant repu, ce qui la rendait encore plus sensuelle et séduisante. Il roula vers elle. Leur étreinte fut brève, mais d’une telle intensité qu’ils en sortirent vidés et pantelants, gorgés de plaisir comme des agneaux gavés du lait de leur mère.
    Elle se pelotonna contre lui, tel un chat.
    —  Qu’allons-nous faire à présent   ? soupira-t-elle.
    —  C’est à toi qu’il faut poser la question… Où veux-tu que nous allions   ?
    —  Je te suivrai où tu iras.
    —  Juste avant de sauter par la fenêtre pour échapper à la police, Hong nous a donné rendez-vous à Jintiancun. C’est son village natal. Un lieu à l’écart du monde où les Taiping ne courent aucun danger…
    —  Tu saurais comment y aller   ?
    —  Hong nous a expliqué où ça se situe. Ses trois frères habitent là-bas. Ils pourront nous héberger.
    —  C’est loin   ?
    —  À environ deux jours de marche d’ici, dans les montagnes occidentales. Le chemin de Jintiancun ne devrait pas être très difficile à trouver car la Société des Adorateurs de Dieu compte de nombreux adeptes dans la région ! Et personne ne viendra nous y chercher… répondit Mesure de l’Incomparable qui jubilait à l’idée d’aller faire retraite en aussi bonne compagnie.
    Cet éloignement de Canton la fit soudain repenser à Tang. En l’absence de nouvelles de sa part, il devait être aux cent coups. Jasmin Éthéré se leva et ouvrit les volets. Aussitôt, un air humide et chaud s’engouffra dans la pièce à laquelle l’éclairage diurne venait de rendre sa