Le sac du palais d'ete
Grand Chambellan, tapi derrière la porte, que l’entretien était terminé.
Lorsqu’il fut reconduit dans l’antichambre par Élévation Paradoxale comblé par la mine déconfite de son ennemi intime, le vieil eunuque Toujours Là eut l’impression qu’il venait de signer son propre arrêt de mort.
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Environs de Canton, 21 juin 1847
Mesure de l’Incomparable, qui venait de se réveiller tout bourdonnant de la folle étreinte du début de la nuit, regarda un premier rayon de soleil glisser sur le lit pour y former un trait lumineux presque phosphorescent. Peu à peu, à travers les persiennes, d’autres rais blanchâtres se mirent à fouiller la chambre encore plongée dans la pénombre, dont l’espace, peu à peu, prenait corps. Il s’étira longuement, tel un fauve après la chasse. Puis, de l’index de sa main droite, il parcourut avec délicatesse le ventre plat et musclé de Jasmin Éthéré. La jeune femme, lascivement allongée, abandonnée à ses rêves, était profondément endormie. Le Taiping avait furieusement envie de lui refaire l’amour, ainsi qu’en attestait sa Tige de Jade toute gonflée par le désir. Jamais aucune femme ne lui avait procuré autant de plaisir ! Jamais il ne s’était perdu à ce point dans les subtiles profondeurs d’une Vallée des Roses ! Jamais son extase n’avait été aussi puissante, au point qu’il avait eu l’impression de décoller du sol et d’atteindre le royaume des nuées. Tout ce qu’il avait appris jusque-là, de la bouche de Hong Xiuquan et de Feng Yunshan, ne franchissait pas les limites de la pure abstraction. Le fabuleux « royaume des cieux » qu’ils décrivaient dans leurs prêches, où régnait l’» amour universel » inventé par le « grand frère » de Hong, un certain Jésus-Christ dont il fallait manger le corps et boire le sang au cours d’une cérémonie appelée « sainte messe », restait pour lui un concept immatériel, une sorte de rêve vers lequel les hommes devaient tendre mais qu’ils ne pourraient jamais atteindre. En matière d’» amour universel », il continuait à croire aux pratiques alchimistes taoïstes qui permettaient de « garder l’un » ou encore aux pilules du bonheur vendues par certains magiciens qui rendaient insensible aux brûlures et aux coupures.
Et voilà que grâce à cette somptueuse contorsionniste, ce « royaume des cieux » devenait enfin réalité tangible ! Avec Jasmin Éthéré, il participait à ce que Hong Xiuquan appelait « communion des saints », cette fusion entre les humains choisis par Dieu et lui-même.
Chaque fois que le Taiping et la contorsionniste s’unissaient, la spirale de leur plaisir mutuel augmentait, dépassant la précédente et faisant mentir l’impression qu’ils avaient d’être allés jusqu’aux frontières les plus extrêmes de la jouissance, là où les sensations deviennent si fortes que la douleur et le plaisir se confondent parfois. Jasmin Éthéré était, à cet égard, un véritable phénomène qu’il s’était promis de présenter à Hong, ne doutant pas que celui-ci accepterait d’enrôler une personne aux talents aussi multiples dans le mouvement de la Grande Paix, où la femme avait toute sa place puisqu’elle y était considérée comme l’égale de l’homme…
Après cette fameuse première nuit où il l’avait prise sans qu’elle en fût consciente, elle s’était réveillée, persuadée qu’il l’avait pénétrée pendant qu’elle dormait. Sans perdre un seul instant et comme s’il se fût agi d’une revanche, elle avait enfourché à son tour son nouvel amant qui avait immédiatement ouvert un œil, puis l’autre. En l’espace de quelques secondes, sur le lit défait imprégné de leurs odeurs respectives, elle l’avait rendu fou d’excitation.
— Je t’assure, Jasmin Éthéré, j’étais persuadé que tu ne dormais pas ! Ton ventre ondulait comme la vague, tes yeux brillaient comme les étoiles… Quant à tes gémissements, ils n’avaient rien de factice ! lui avait-il murmuré, à nouveau au bord de l’extase.
Elle l’avait gentiment taquiné, en frottant sa grotte de jade transformée en fontaine intime contre son sexe turgescent. Il avait suffi de quelques effleurements pour qu’il devînt un cheval sauvage et fougueux, pressé d’aller galoper dans la campagne où son maître l’a conduit, ou encore un papillon de nuit irrésistiblement attiré par la
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