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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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contrevérités et de
tromperies qu’Honorius avait savouré en maître de l’escobarderie [1] . Elle n’ignorait pas qu’il avait ensuite tout fait pour la laver des
lourds soupçons qui pesaient sur elle, allant jusqu’à accuser le neveu défait
de parjure aggravé. L’adolescent, affolé par les menaces implicites de
l’évêque, s’était rétracté et avait demandé le pardon à sa chère tante qu’il
affirmait avoir gravement méjugée.
    Une nuit, une étonnante et inévitable
nuit, Benedetti l’avait rejointe en l’hôtel particulier hérité de son défunt
mari. Entre les draps froissés de folie joyeuse, ils s’étaient trouvés en
créatures de même force. Aude avait senti qu’elle était la seule incontinence
sensuelle d’Honorius depuis qu’il avait prononcé ses vœux. Lorsqu’il l’avait
quittée au matin, elle avait su qu’il ne reviendrait pas, sans qu’elle eût
besoin de le lui indiquer avec délicatesse. Fermant les yeux sur un sourire
aveugle, il avait baisé sa main avant de disparaître et murmuré :
    — Merci de cette éblouissante
nuit, madame, puisque je n’y ai vu nul dédommagement pour le soin que j’ai pris
de votre procès. Merci également de m’avoir offert durant ces quelques heures
de bien tenaces regrets et de bien doux souvenirs.
    La peste soit des souvenirs.
    Aude de Neyrat reprit d’un ton
intrigué :
    — Mon bon ami… Étiez-vous à ce
point sentimental lorsque nous nous rencontrâmes la première fois, lorsque vous
me sauvâtes la vie ?
    — Sentimental ? Si je ne
l’avais été pourquoi vous aurais-je sauvée alors que je vous savais
coupable ?
    — Par amusement, mâtiné
peut-être d’un peu de désir de peau ?
    — Tout cela à la fois. Vous
m’aviez ému…
    — Ému ?
    — Vous luttiez seule contre
tous ces hommes, la plupart de fausse vertu. Vous restiez brave, mais ils vous
auraient mise en pièces. Le choix était simple, en vérité. Me battre à vos
côtés, ou leur laisser champ libre et permettre ainsi à la médiocrité de
l’emporter sur l’exception. J’ai choisi.
    — Voilà qui sera sans doute le
plus joli compliment que j’aurai jamais reçu et je vous en remercie,
admit-elle, pour une fois grave. Allons, il me faut me préparer si je veux
rejoindre bien vite ce beau comté du Perche.
    — Vous logerez d’abord à
Chartres, ma chère.
    Il récupéra dans un tiroir une
lourde bourse ainsi que quelques feuillets noircis de sa petite écriture
nerveuse.
    — Voici de quoi subvenir à vos
immédiats besoins, sans oublier quelques recommandations, conseils, noms,
adresses. Je vous en conjure, Aude… Réussissez.
    — Je n’ai pas le souvenir d’avoir
jamais échoué… en rien. À vous revoir très bientôt mon ami, afin de célébrer
votre succès.
    Un vent piquant s’était levé sur la
place Saint-Pierre, soulevant son voile comme une aile. Aude de Neyrat marchait
d’un pas vif. Une langueur l’avait saisie un peu plus tôt, lorsque Benedetti
avait évoqué son émotion lors de leur première rencontre. Une langueur assez
inattendue et en tout cas ennuyeuse, étant entendu la pléthore de détails qu’il
lui faudrait régler avant son proche départ. Bah… le mieux était de la dissiper
au plus vite, sans y attacher d’importance, et Aude savait les moyens d’y
parvenir.
    Elle se dirigea vers le pont des
anges qui enjambait le Tibre. Un soir complice tombait déjà. Elle s’enfonça
dans un dédale de ruelles, qui, sans être un coupe-gorge, n’était certes pas un
endroit où l’on s’attendrait à rencontrer une femme de sa qualité quelle que
fût l’heure de la journée. Le froid de ce début de nuit atténuait un peu les
insupportables relents d’humanité, de crasse, de détritus qui semblaient
transpirer des masures à étages qui la bordaient. Son allure ne manqua pas
d’éveiller l’intérêt. Un homme s’avança vers elle. Elle le détailla. Il était
laid, sale, trop vieux. Quant à ses dents gâtées, elles étaient répugnantes.
Elle le chassa d’un geste. En revanche, la silhouette juvénile et musclée
qu’elle aperçut à quelques pas des marches qui descendaient vers la taverne
borgne de la Bianca Donna l’intéressa. Aude s’arrêta à sa hauteur. Il était
beau, très beau. Sans doute n’avait-il pas vingt ans. Il lui décocha une
œillade escrillarde [2] et se fendit d’un compliment à l’obscénité bien sentie.
    Aude rétorqua dans un

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