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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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qu’il chérirait. Ce soir-là, il fut l’enfant le plus heureux du monde ; d’un seul coup, tout paraissait possible.
    Plus ses enfants grandissaient, plus le cardinal discutait avec eux de religion, de politique et de philosophie, consacrant des heures à initier César et Juan aux arcanes de la diplomatie, de la stratégie religieuse et politique. L’aîné appréciait fort ces aperçus intellectuels, mais le cadet semblait s’ennuyer. Son père avait eu si peur de le voir mourir qu’il lui prodiguait toutes sortes d’attentions, ce qui porta tort à l’enfant, beaucoup trop gâté. Mais c’était en César que le cardinal mettait ses plus grands espoirs.
    Rodrigo Borgia aimait fort se rendre au palazzo Orsini, où Adriana et la jeune Julia lui accordaient toute leur attention. La jeune fille devenait peu à peu une femme superbe ; sa chevelure, plus blonde encore que celle de Lucrèce, lui tombait presque jusqu’aux pieds. Ses grands yeux, ses lèvres pleines, lui valaient d’être surnommée « la Bella » dans Rome. Le cardinal éprouvait une vive affection pour elle.
    Issue de la petite noblesse, Julia disposait toutefois d’une dot de trois cents florins pour son mariage avec Orso Orsini, qui avait quelques années de moins qu’elle. Elle se mit peu à peu à attendre avec impatience les visites du cardinal ; après avoir aidé Lucrèce à s’habiller, elle faisait elle-même de son mieux pour paraître à son avantage. Et Rodrigo Borgia, en dépit de leur différence d’âge, était charmé de sa présence.
    Quand vint enfin le jour du mariage de Julia et d’Orso, la déférence envers sa cousine Adriana poussa le cardinal à proposer de présider à la cérémonie dans son propre palais. La jeune femme, vêtue de satin blanc, un voile orné de nacre lui couvrant le visage, n’avait jamais paru aussi belle – si fraîche, à ce point pleine de vie. Rodrigo Borgia dut faire un effort pour garder ses esprits.
    Peu de temps après, Orso fut envoyé à Bassanello, dans la maison de campagne de Rodrigo Borgia, avec ses conseillers, pour y recevoir une formation militaire. Julia se retrouva dans les bras du cardinal et, très vite, dans son lit.
    Quand César et Juan atteignirent l’adolescence, ils quittèrent Rome pour accomplir leur destin. Juan n’était guère doué pour l’étude, et la vie de prêtre n’était pas faite pour lui : il se consacrerait aux armes. Mais la vive intelligence de César lui valut de partir étudier pendant deux ans à Pérouse, puis d’être inscrit à l’université de Pise, où il étudierait la théologie et le droit canon. Son père espérait qu’il suivrait son exemple et honorerait l’Église.
    Le cardinal avait eu trois enfants d’autres courtisanes, mais c’est dans ceux de Vanozza qu’il plaçait tous ses espoirs. Éprouver de l’affection pour le plus jeune, Geoffroi, lui était toutefois plus difficile. Il lui fallait évidemment se trouver des raisons, et il en vint, presque inconsciemment, à se demander si c’était vraiment son fils. Qui peut se flatter de savoir ce qui se passe dans le cœur d’une femme ?
    Rodrigo Borgia, vice-chancelier de plusieurs papes, avait servi pendant huit ans le souverain pontife du moment, Innocent VIII.
    Toutefois, quand celui-ci entra en agonie, rien ne put le sauver, ni le lait de femme, ni la transfusion du sang de trois jeunes garçons. Chacun d’eux avait reçu un ducat. Cette expérience médicale se termina très mal. Ils eurent droit à des funérailles solennelles, et leurs familles à quarante ducats.
    Le défunt laissait vides les coffres de la papauté, qui ne pouvait riposter aux insultes des rois de France et d’Espagne. Les finances étaient dans un état si déplorable que le feu pape avait dû mettre en gage sa tiare pour financer les cérémonies du dimanche des Rameaux. En dépit des conseils de Borgia, il avait aussi permis aux dirigeants de Naples, Milan, Venise et Florence de retarder le paiement de leur tribut à l’Église, tout en gaspillant des fortunes à préparer une croisade dont personne ne voulait entendre parler.
    Seul un génie de la finance et de la stratégie pourrait rétablir l’Église dans toute sa gloire. Mais qui ? Le collège des cardinaux, guidé par le Saint-Esprit, pourrait seul en décider. Car le pape n’était pas un homme ordinaire ; il devait être l’envoyé des Cieux.
    Le 6 août 1492, dans la grande salle de la chapelle Sixtine, entouré

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