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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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était certain de connaître les plans du Seigneur. Celui-ci n’avait-il pas créé Ève pour compléter Adam ? Et ne s’ensuivait-il pas que, sur cette terre perfide emplie de malheurs, un homme avait besoin du réconfort d’une femme ? Jeune évêque, il avait eu trois enfants ; mais ceux de Vanozza occupaient dans son cœur une place à part. Ils éveillaient en lui la même violente passion qu’il éprouvait pour leur mère. Ils étaient encore très jeunes, mais il les voyait déjà grimpés sur ses épaules, comme pour former un immense géant grâce auquel il pourrait unifier les États pontificaux et étendre dans le monde entier le pouvoir de la sainte Église.
    Chaque fois qu’il venait leur rendre visite, ils l’appelaient « papa », sans qu’il voie de contradiction entre l’affection qu’il leur portait et sa fidélité au Saint-Siège. Qu’il soit leur père, mais aussi cardinal, ne leur paraissait nullement bizarre. Après tout, le fils et la fille du pape Innocent VIII ne paradaient-ils pas souvent dans les rues de Rome à l’occasion de grandes cérémonies ?
    Vanozza était la maîtresse de Rodrigo Borgia depuis dix ans. Il souriait en pensant que peu de femmes avaient su faire naître tant de passion en lui, et l’entretenir durant si longtemps. Bien entendu, elle n’était pas la seule femme de sa vie, car il avait grand appétit de tous les plaisirs terrestres, mais elle avait eu le plus d’importance, et de loin. Belle, intelligente, c’était quelqu’un avec il pouvait discuter des problèmes aussi bien matériels que spirituels. Elle lui avait souvent donné de sages conseils, et en retour il s’était montré amant généreux et père aimant.
    *
    Dans l’entrée, Vanozza eut un sourire résigné en agitant la main pour dire au revoir à ses enfants.
    Elle venait d’atteindre la quarantaine. L’une de ses plus grandes forces était sans doute de comprendre l’homme vêtu de sa robe de cardinal. Elle le savait animé d’une brûlante ambition que rien ne pourrait éteindre. Fin stratège, il voulait accroître le pouvoir de l’Église, nouer des alliances qui la renforceraient, conclure des traités qui assureraient sa position – ainsi que la sienne. Il en avait discuté avec elle. Des idées lui trottaient dans la tête avec autant d’ardeur que ses armées qui, un jour, s’avanceraient dans de nouveaux territoires. Il était destiné à devenir un grand meneur d’hommes, et son triomphe précéderait celui de ses enfants. Vanozza tenta de se réconforter en songeant que, héritiers légitimes du cardinal, ils jouiraient de la fortune et du pouvoir. C’était bien pourquoi elle les avait laissés partir.
    Elle serra contre elle son dernier-né, Geoffroi, le seul qui lui restât : encore à la mamelle, il était trop jeune. Mais lui aussi partirait bientôt. Les larmes aux yeux, Vanozza regarda s’éloigner ses aînés. Lucrèce fut la seule à se retourner.
    L’imposante silhouette du cardinal prit la petite main de son cadet, Juan, et celle, minuscule, de la fillette – elle n’avait que trois ans. César, l’aîné, paraissait déjà s’agiter. Sa mère songea que cela annonçait des problèmes ; mais, avec le temps, leur père apprendrait à les connaître aussi bien qu’elle. Vanozza hésita un instant, puis referma la lourde porte en bois.
    À peine avaient-ils fait quelques pas que César, furieux, poussa si fort son frère Juan que celui-ci, contraint de lâcher la main de son père, trébucha et faillit tomber. Le rattrapant de justesse, le cardinal dit :
    — César, mon fils, ne pourrais-tu pas dire ce que tu veux plutôt que de t’en prendre à ton frère ?
    Juan, plus jeune d’un an que César – qui en avait sept –, ricana avec orgueil en voyant que son père prenait sa défense mais, avant même qu’il ait pu dire mot, l’aîné s’approcha et lui écrasa le pied. Juan poussa un cri de douleur.
    Le cardinal saisit César de son énorme main, le souleva et le secoua si fort que les boucles de l’enfant vinrent lui balayer le visage. Puis il le reposa à terre, s’agenouilla et lui demanda :
    — César, qu’y a-t-il ? Qu’est-ce qui t’agace à ce point ? Les yeux de l’enfant, sombres et pénétrants, brûlaient comme des charbons ardents :
    — Je le déteste, papa ! s’écria-t-il avec violence. C’est toujours lui que tu choisis…
    — César, voyons ! répondit son père, amusé. La force d’une famille, comme

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