Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

ébauche de sourire :
    — Varius a créé lui-même les conditions de sa chute, conclut-elle. À nous de profiter de la situation.
    — Alors, que faisons-nous ?
    La vieille princesse s’adressa à Comazon :
    — Valerius, dit-elle, envoie un émissaire au camp du Viminal. Qu’il prévienne les prétoriens que Varius n’a pas tenu sa parole et que personne n’a plus de nouvelles d’Alexandre.

CHAPITRE XLIII
    De nouveau alarmés par les bruits que Maesa fit courir sur la disparition d’Alexandre, les prétoriens se décidèrent à la sédition. Ils refusèrent d’envoyer au palais sessorien la garde destinée à assurer la protection de l’empereur et firent savoir à ce dernier qu’ils ne sortiraient de leur caserne que lorsqu’il leur apporterait la preuve que le jeune César était vivant.
    Abandonné de tous, sans plus aucun soutien ni défense, pas même celle de son escorte prétorienne ou de ses cavaliers germains (154) , Varius réalisa alors que son coup de force avait lamentablement échoué.
    Désormais, ses partisans pouvaient se compter sur les doigts de la moitié d’une main : seuls Soemias et Hiéroclès acceptaient encore de lui offrir leur soutien inconditionnel.
    Lui que l’on craignait, il n’y a pas si longtemps, lui à qui l’on donnait raison en tout, aux lèvres duquel on restait suspendu pour recevoir un ordre, une faveur, un bon mot, devant lequel on se prosternait, sans oser même respirer, n’avait désormais plus que sa mère et son mignon pour le suivre dans cette sinistre aventure.
    Soemias, qui éprouvait en cet instant le même sentiment de désolation et d’abattement, tenta de le convaincre de céder une nouvelle fois aux exigences des soldats.
    — Les soldats t’attendent au Viminal avec Alexianus, tu dois t’y rendre. Il n’y a pas d’autre solution !
    — Je n’irai pas dans ce camp ! s’écria Varius furieux. Je ne céderai pas à ce chantage odieux !
    — Si tu n’y vas pas, ils viendront au palais et je n’imagine pas ce qu’ils te feront subir !
    — Ma garde me protégera, répliqua l’adolescent en prenant son air borné.
    — Quelle garde ? Il n’y a plus un seul prétorien dans ce palais ! Ils se sont tous retranchés dans leur caserne ! Ils te sont tous hostiles ! Varius, je t’en prie, écoute la voix de la sagesse : rends-toi au Viminal avec Alexianus, rassure les troupes !
    — Ta mère a raison, approuva Hiéroclès. Tu dois y aller, c’est une évidence.
    Varius, qui n’était toujours pas disposé à se rendre au camp, parce qu’il pressentait instinctivement le danger d’une telle décision, hocha la tête d’un air catégorique.
    — Antochianus les calmera, dit-il. Il l’a déjà fait.
    — Mon fils, ton préfet ne peut plus rien pour te protéger ! répondit Soemias en l’implorant du regard. Il n’arrive plus à se faire entendre des soldats ! D’ailleurs, Antochianus lui-même craint pour sa vie. Cette fois, crois-moi, il ne prendra aucun risque pour te sauver !
    — Ce serait un suicide ! s’exclama l’adolescent qui, tout à coup, n’entrevoyait plus aucune issue à sa situation. Si je me rends au Viminal, les prétoriens en profiteront pour me massacrer !
    — Non, ils n’oseront pas, le rassura Soemias. En tout cas, pas si tu y vas avec ton cousin. Et je t’accompagnerai aussi, et Hiéroclès également.
    — Vas-y ! lui conseilla de nouveau son amant. Montre-leur Alexianus ! Ils se calmeront. Ensuite, il sera toujours temps de réprimer cette sédition. Lorsque tu seras informé des noms des chefs qui conspirent contre toi, tu pourras décider de leur arrestation et tu les feras mettre à mort.
    — Leurs chefs ? Mais ils sont tous contre moi ! couina Varius. Il n’y a plus un tribun, un centurion, pas un seul munifex (155) , du Viminal au camp d’Albanum, qui ne soit dévoré par l’idée de me mettre en pièces !
    — Alors que comptes-tu faire ? s’écria Soemias. Rester là, à te cacher ? À compter les jours et les heures avant que les soldats, lassés de t’attendre, excités par la haine de Mammaea, ne viennent t’égorger sous mes yeux ?
    — Hiéroclès, gémit l’adolescent. Qu’allons-nous faire ?
    Ce « nous » rappela au cocher jusqu’à quel point son sort était lié à celui de son maître. Il hésita avant de répondre. Partagé entre le désir de fuir le palais au plus vite afin d’échapper à la vindicte de la soldatesque, et celui de