Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
mouvement de tête ondulant, plissa les yeux d’un air facétieux :
— Tu devrais baisser le ton, continua-t-il. Veux-tu te ridiculiser devant tout le monde, en braillant comme une truie qu’on égorge ?
Il n’y eut cette fois aucune explosion. Mais le silence, autour de lui, fut plus accablant que n’importe quel orage.
Maesa demeura un instant pétrifiée, tournant et retournant dans sa tête l’injure qu’elle venait de subir. Elle resta ainsi un temps interminable, sans prononcer un mot, tandis que l’empereur descendait lentement et dédaigneusement les marches du bâtiment.
Après avoir, par-dessus son épaule, jeté un regard de défi sur la Curie, Varius remonta sur son char, seul cette fois, et lança l’attelage au galop.
CHAPITRE XLII
Lorsque Soemias le retrouva le lendemain, il était véritablement transformé, comme si une mystérieuse influence avait dissipé sa morosité et sa hargne. Manifestement quelque chose était survenu, qui avait adouci les traits crispés de son visage, répandu dans ses veines une gaieté qui le rendait presque hilare.
— Tu sembles aller mieux, lui fit remarquer sa mère.
— Beaucoup mieux, répondit-il d’un air espiègle.
— Tu as pris de gros risques, hier, poursuivit la princesse. Maesa aurait très bien pu pousser Alexianus à monter seul au Capitole, ce qui aurait été pour elle l’occasion de le légitimer à tes dépens. Ou pire encore, ton refus aurait pu susciter la colère des prétoriens… Nous avons frôlé la catastrophe, Varius.
L’empereur se mit à fredonner, le nez en l’air.
— Mais elle ne l’a pas fait ! claironna-t-il. Cette vieille folle n’a pas osé laisser Alexianus accomplir les sacrifices à ma place… Ce qui prouve bien, ajouta-t-il avec un sourire de triomphe, que je suis encore en mesure d’imposer ma volonté. Je suis plus fort qu’eux et ils me craignent suffisamment pour ne pas me défier ouvertement !
— C’est ce que tu penses ? fit Soemias, sceptique.
— Oui, je sais à présent que nous avons encore l’avantage. Et attends ! Nous n’avons pas encore joué nos derniers pions !
— Mais… Pour Alexianus ?
— En ce qui concerne le vilain petit crapaud, rien n’a changé. Je me suis retenu de lui tordre le cou hier, mais je n’ai pas pour autant renoncé à l’éliminer…
Il se mit à marcher joyeusement, en balançant les hanches, comme s’il exécutait quelques pas d’une nouvelle danse.
Perplexe, Soemias le regarda se dandiner ainsi, dans sa tunique traînante et brochée d’or, s’étonnant intérieurement de ce soudain changement d’état d’esprit.
— Varius, demanda-t-elle, qu’est-ce qui te met de si bonne humeur ?
L’empereur glissa vers elle, la frôla, pencha sa bouche épaisse vers son oreille :
— Hiéroclès est en chemin, dit-il en souriant. Il revient s’installer au palais aujourd’hui.
— C’est trop tôt ! protesta sa mère, c’est beaucoup trop tôt !
— Mieux vaut trop tôt que trop tard, répliqua l’empereur en élevant la voix.
— Mon fils, ne nargue pas la Fortune. Tu devrais attendre avant de le ramener ici.
Varius la considéra un instant d’un air étrange, l’œil égaré puis éclata de rire.
— Oh, toi, tu as bu… ! lui reprocha Soemias.
— Oui, j’ai bu… Et je vais continuer !
Il attrapa une carafe en verre, la fit bouger entre ses mains et se perdit un instant dans la contemplation du liquide qui l’emplissait. Ses yeux se fixèrent sur les reflets violines du cécube qui jouaient à travers les diaprures bleues du verre soufflé.
— Tu sais, Symiamira, à force de bougonner, tu vas finir par ressembler à ta mère, dit-il en se versant une coupe. Méfie-toi, tu commences à prendre sa vilaine ride, là, sur le front, celle qui lui fait un gros sillon entre les sourcils…
Il leva sa coupe et la vida d’un trait.
— Claudius disait que le plus sûr moyen de ne pas avoir de rides était de ne pas se faire de soucis… Pauvre Claudius !
En prononçant ce nom, une petite grimace déforma l’arc rieur de ses lèvres ; il plongea les yeux au fond de sa coupe d’argent, comme pour y chercher le rappel d’un événement dont les brumes de l’ivresse avaient déjà dissipé le souvenir.
— Pauvre Claudius, dit-il encore, je n’oublierai jamais la façon dont les soldats l’ont exécuté. J’entends encore ses cris… Je les ai suppliés de l’épargner, tu sais ! Je les ai
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