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Le secret de la femme en bleu

Le secret de la femme en bleu

Titel: Le secret de la femme en bleu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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t’es tenu à l’écart de la cour. Tout le monde, d’ailleurs, l’a remarqué, reprit-il.
    — Soit ! Et ensuite ?
    — Rien… sinon que tu aurais pu observer comme moi, si tu ne t’en étais pas éloigné, que les esprits sont à la fois inquiets et agités.
    — Éloigné… n’exagérons rien ! Voilà quatre jours seulement que mon ami Childebrand a pris la route, d’ailleurs non pas seul mais avec Doremus et Sauvat ; voilà quatre jours seulement que je me suis réfugié ici… En outre : inquiétude… agitation… Cela ne date pas d’hier.
    — Assurément, mais pas de la sorte. Les bruits persistants sur le mauvais état de santé de l’empereur ont amplifié ces alarmes. Les initiatives qu’il vient de prendre ont paru à tous en constituer une confirmation.
    — Il s’est donc décidé, murmura le Saxon avec un air sombre.
    — Oui. Il a renouvelé son intention de tenir, à la fin de cette année, au plus tard au début de l’an prochain, un plaid général. Cela n’a, en soi, rien d’étonnant, ni d’inquiétant. Cependant, il fait préparer par la chancellerie, avec la participation de proches conseillers, un ensemble de capitulaires d’une grande importance. Ils reprennent, en quelque sorte, tout ce qu’il a prescrit depuis le début de son règne, au fil des besoins, au gré de son inspiration, au coup par coup si je puis dire… bref une somme de son œuvre en ce domaine. Certains, sans vergogne, osent affirmer qu’il agit comme ces monarques qui, sentant leur fin prochaine, font construire leur propre monument funéraire !
    — Quelle impudence ! Quelle honte !
    — Ce qui a surtout alerté la cour, c’est qu’il fait établir un acte réglant sa succession. Il y est précisé, dit-on, la manière dont le royaume devra être partagé entre ses trois fils, légitimes bien entendu, et ce dont chaque descendant pourra disposer. C’est donc cet acte qu’il entendrait présenter aux grands lors du prochain plaid général. A la chancellerie on y travaille « dans le plus grand secret ». Mais, seigneur, un tel secret… Aussi en sait-on assez à la cour pour être sur des charbons ardents, pas assez pour être fixé.
    — Et moi, dit Erwin, j’en sais assez pour être dans l’affliction, car c’est l’acte en soi qui m’accable. Quoi ? Voici restauré l’empire avec à sa tête un seul prince – et quel prince ! –, Charlemagne, acclamé par le peuple de Rome et couronné par le pape lui-même, et tout cela serait morcelé, détruit selon la pratique exécrable des fils de Mérovée pour combler les exigences de descendants avides ? Ne se souvient-on pas des désordres, des tragédies, des guerres et de la décadence où cela a conduit des royaumes perpétuellement en lutte les uns contre les autres ?
    — Peut-être est-ce précisément pour prévenir de telles catastrophes que Charlemagne a voulu régler sa succession.
    Erwin exprima son doute et ses inquiétudes.
    — Ah, poursuivit-il mezza voce, si Alcuin vivait encore, lui qui avait une tout autre idée de la fonction impériale et une tout autre espérance, sans doute aurait-il su conseiller avec force à Charles une autre ambition qu’un partage, lui montrer qu’il ne devait pas être le dernier des rois francs mais le premier d’une lignée impériale fameuse. Mais de quoi parlons-nous ?… Notre prince est un homme robuste qui, Dieu merci, tiendra longtemps encore les rênes du pouvoir.
    Le Saxon eut un bref sourire.
    — Certes, ajouta-t-il, je le sais plus courageux au combat devant l’ennemi que devant la maladie. Peut-être certaines atteintes de l’âge, inévitables, l’ont-elles jeté dans des craintes exagérées…
    — Peut-être… Mais elles n’ont pas manqué, en tout cas, d’en susciter de vives parmi les grands. Tous s’interrogent avec anxiété sur ce partage. Comme toujours en pareille occasion, chacun est moins attentif à ce qu’il estime assuré pour lui-même et les siens qu’à ce que l’autre pourrait recevoir. Cent rumeurs contradictoires circulent chaque jour, exacerbant les passions. L’agitation et le trouble s’accroissent sans cesse.
    — C’est donc une sage décision que le Ciel m’a inspirée en m’invitant à faire retraite, à l’écart du tumulte.
    Le Grec jeta un regard autour de lui.
    — Es-tu assuré, seigneur, dit-il, que les vagues de cette tempête ne déferleront pas jusqu’ici ?
    Timothée fit mine d’hésiter avant de poursuivre :
    — Étudier et

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