Le secret de la femme en bleu
» sa maîtresse à boire une infusion d’aubépine et de nénuphar pour apaiser son angoisse. Celle-ci finit par s’endormir en serrant ses fils contre elle.
Dehors, un auxiliaire faisait les cent pas devant le logis. Doremus en avait décidé ainsi, plus par principe que par nécessité.
Au petit matin, Timothée, accompagné par les deux gardes impériaux, partit pour Gorze afin de mettre l’abbé Erwin au courant.
Le comte Childebrand rejoignit la résidence de Thionville dans l’après-midi de ce même jour, escorté par un détachement de quarante cavaliers que commandait Hermant. Le Nibelung et tous ses hommes étaient en grande tenue : casque, broigne, grande épée et dague, écu au bras. Ils firent forte impression. Ainsi l’avait voulu le missus dominicus pour manifester avec éclat la puissance impériale.
Dès son arrivée, il envoya un courrier porteur d’un message pour son ami saxon. Puis il convoqua Doremus. Il écouta, sans autre interruption que de courtes questions, le récit des événements qui s’étaient déroulés en son absence.
L’assistant du missus s’attendait à des reproches, à des appréciations formulées diversement et même vigoureusement, voire à une approbation concernant sa vigilance. Pas un mot ! Il en fut mortifié.
Quand il eut fini, le comte lui dit sur un ton égal :
— Rien d’autre ?
— Non, seigneur !
— Alors, voici mes ordres : demain matin je partirai pour Metz. Sauvat et toi-même vous m’accompagnerez. Hermant qui demeurera ici recevra sans tarder mes instructions. De ton côté, tu lui transmettras les consignes indispensables.
Le comte fit venir son écuyer.
— Que Médéric soit mis aux arrêts ! ordonna-t-il. Que Hunault ainsi que le comte Hainrik soient placés sous surveillance. Que Hermant s’en assure immédiatement ! Puis qu’il me rejoigne avec dix hommes dans l’antichambre du palais !
L’envoyé du souverain, toujours suivi par Doremus et Sauvat, se rendit alors à la maison en construction où avaient été déposés les corps des quatre agresseurs tués. Il les regarda longuement avant de lancer :
— Qu’ils soient dépouillés de leurs vêtements ! Que leurs cadavres soient abandonnés aux charognards de la forêt !
Au valetudinarium, il fit comparaître devant lui le médecin qui soignait le bandit assommé par Timothée. L’homme bégaya qu’il mettait tout en œuvre pour que le blessé survive et qu’il revienne à lui.
— Il vaudrait mieux que tu réussisses, articula le missus dominicus qui ajouta sur un ton farouche : Évidemment pas pour lui !
Il parcourut alors les abords du palais et entra dans le vestibule où l’attendaient déjà Hermant et ses hommes. Childebrand pénétra lentement dans le poste de garde où les miliciens s’étaient rassemblés. Figés dans l’attitude réglementaire du respect, ils tremblaient de peur. Le Nibelung, avec un regard impitoyable, les dévisagea tous, l’un après l’autre.
— Nœud de vipères ! lâcha-t-il. Il appela Hermant.
— J’entends, dit-il, que ces hommes soient désarmés, considérés comme prisonniers, je dis bien : traités comme tels ! Qu’ils soient immédiatement placés en détention !
Sur un signal de leur chef, les dix gardes impériaux firent irruption dans le poste. Avant même que la vingtaine de miliciens qui s’y trouvaient aient compris ce qui leur arrivait, les hommes de Hermant leur avaient lié les poignets avec des cordes qui les attachaient les uns aux autres par cinq ou six. Ils furent traînés jusqu’à la prison et, là, entravés.
C’est seulement après avoir pris ces dispositions que le comte Childebrand se rendit, seul, chez Régina. Il se fit annoncer par son écuyer. La favorite du prince, qui était encore sous le choc de la nuit qu’elle avait vécue, reçut son visiteur avec émotion. Elle tint à lui présenter son fils aîné. Oubliant ses réticences et ses récriminations, elle exprima sa gratitude.
— Tu as assurément placé ta confiance, seigneur, dit-elle, en des hommes avisés, courageux, attentifs. Permets-moi de t’en rendre grâce ! Non seulement ils ont sauvegardé ma vie, celle, ô combien précieuse, de mes fils, et aussi celle de Blanche, mais encore ils ont su mettre hors de combat les agresseurs sans qu’aucun d’entre nous subisse la moindre atteinte. Peut-être ont-ils bien fait, aussi, d’épargner à mon Drogon un spectacle que, plus tard, hélas, il aura l’occasion
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