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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Adam…»
     

 
     
     
     
     
     
CHAPITRE VI
    Mercredi 13 avril
     
    Affriandée par un alléchant tas d’immondices déversés dans un recoin du quai de Gesvres, une assemblée de mouettes se disputait mollement des arêtes de poissons. L’une d’elles inclina la tête vers le fleuve. A la lueur de l’aube naissante, elle devina une masse sombre ballottée au milieu du courant qui jouait à saute-mouton. La mouette s’envola, décrivit plusieurs cercles autour de cette épave insolite. Elle hésitait. Se percher sur ce qui semblait être un bipède ? Fouailler du bec cette seconde peau chiffonnée qui cuirassait sa chair ? Et si ce spécimen n’était pas réellement mort ? Trop hasardeux. La mouette choisit de se cantonner à l’amas de détritus, tandis que le cadavre dérivait lentement en direction du Pont-au-Change.
     
    Une tache de lumière rose faisait miroiter les lambris de la chambre plongée dans la demi-pénombre. Des mains feuilletèrent un cahier couvert d’une écriture enfantine et s’arrêtèrent sur une page marquée d’un buvard.
    Seigneur, vous avez dressé de nombreux obstacles en travers de ma route, est-ce afin de mettre ma détermination à l’épreuve ? J’ai passé une partie de la nuit à veiller et je me trouve comme un passereau qui est tout seul sur le toit d’une maison. Je ne faillirai pas. J’ai d’ores et déjà résolu le problème du mal. C’en est fait, l’auxiliaire cupide qui m’a prêté concours dérive maintenant vers l’étang de feu et de soufre. Quant à l’autre, quelques deniers lui ont délié la langue, il m’a révélé la voie qui conduit à la flétrissure. Désormais, la peur lui tiendra les lèvres scellées. Je brandis mon glaive, je m’élance, jetez un regard favorable sur votre émissaire…
     
    Si quelqu’un avait prédit à Joseph qu’il finirait par conter une fable à M. Mori afin de s’échapper momentanément de la librairie, il aurait passé un mauvais quart d’heure.
    Et pourtant, ce commis modèle était sur le point de débiter un mensonge dont il se repentait d’avance. Redoutant un lapsus, il enfouit son visage dans son mouchoir et annonça d’un trait :
    — Bonsieur Bori, bonsieur Victor b’a debandé de b’ assurer que…
    — Je ne comprends pas un traître mot. Libérez votre nez, parole sans air est un mystère. Vous avez un rhume ?
    — Non, répondit Joseph, cramoisi, en écartant son mouchoir. M. Victor m’a demandé de récupérer les volumes du La Fontaine qu’il a portés chez le relieur il y a deux semaines. Je peux faire un saut rue Monsieurle-Prince ?
    — Par la même occasion, remettez mon catalogue de Livres de voyages à M. Andrésy, il apprécie mon travail. Ne bayez pas aux corneilles, je dois partir à dix heures, un rendez-vous important.
    Joseph se hâta d’endosser sa veste et de coiffer sa casquette. Il tendit l’oreille. Un heurt de casseroles attestait la présence d’Euphrosine à l’étage. Tranquillisé, il sortit.
    Il eût souhaité avoir le temps de vérifier que le logement qu’il partageait avec sa mère rue Visconti était en ordre, mais dès qu’il l’eut atteint on toqua à la porte de la remise. Il s’empressa d’accueillir Iris.
    — On vous a vue ?
    — Et après ? Ôtez-moi ce masque de conspirateur, on va nous suspecter de fomenter un attentat.
    — Ne restons pas ici, c’est glacial.
    — Que de bouquins et de revues ! C’est votre collection personnelle ?
    — L’héritage de papa.
    Il allait l’entraîner vers sa chambre quand l’inconvenance de la situation le frappa. Se réfugier chez Euphrosine prêtait également à équivoque. Seule la cuisine constituait un terrain neutre.
    Cependant, lorsqu’elle en eut fait le tour, ce qui fut rapide étant donné l’exiguïté de l’espace, et qu’elle eut admiré la pierre à évier, le réchaud et la marmite de fonte, elle voulut explorer les chambres. Joseph la retint par la manche.
    — Il serait peut-être bienséant de… Enfin, je… Ce serait mieux de…
    Elle lui lança un regard espiègle, souriant de son embarras.
    — Joseph, expliquez-moi, en quoi une chambre serait-elle plus dangereuse qu’une cuisine ?
    Elle courut chez Euphrosine.
    — Une bonbonnière ! Votre mère a mis de la cretonne partout, elle doit en raffoler !
    — C’est une cotonnade économique et solide, approuva-t-il, soulagé de constater que le plancher était propre. Attendez ! cria-t-il

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