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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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alors qu’elle se précipitait chez lui.
    Trop tard. La vision effroyable d’un sommier en pagaille où deux oreillers en tapon côtoyaient un trognon de pomme et un peigne en deuil le paralysa. Un « c’est donc là que vous rêvez de moi ! » balaya le cauchemar. À mi-chemin entre l’armoire et le lit impeccable qu’il se rappela avoir refait trois fois avant le petit déjeuner, Iris s’extasiait sur ce qu’elle qualifia d’ermitage en plein Paris.
    — Il y a peu de meubles, non qu’on soit des Spartiates, maman et moi, mais on manque de murs…
    — J’aime que l’on se limite à l’essentiel, remarqua-t-elle en se laissant choir sur le lit après avoir noté que l’unique chaise croulait sous une pile de linge.
    Gêné, Joseph entrouvrit discrètement la fenêtre, persuadé qu’un soupçon d’essence de chaussette imprégnait l’atmosphère.
    — Cessez de vous agiter, j’ai le tournis !
    — Je… j’ai promis au patron de rentrer dare-dare.
    — De qui avez-vous peur, de lui ou de moi ? Allons, venez.
    Il la rejoignit timidement et elle dut s’agripper à son bras pour l’obliger à s’asseoir auprès d’elle.
    Confus, il cherchait désespérément une échappatoire.
    — J’ai fait des progrès en anglais, dit-il, je vais vous réciter les verbes irréguliers : Arise, arose, arisen, awake…
    Il n’eut pas le loisir d’en psalmodier davantage. Déjà, leurs lèvres s’unissaient, leurs doigts s’entrelaçaient. Sans qu’il l’eût prémédité, sa main droite commençait à déboutonner le corsage d’Iris, tandis que leurs bustes s’affaissaient doucement.
    Telle un deus ex machina l’image de sa mère, l’œil courroucé, l’index vengeur de Pharaon vouant Moïse à l’exil, lui apparut. Il bondit sur ses pieds.
    — Réellement, je dois me sauver ! déclara-t-il avec fougue.
    Elle éclata d’un rire joyeux, puis elle remit posément son chapeau qui avait roulé au sol.
    — Chéri, vous devez à tout prix convaincre Kenji que nous… que vous…
    — J’essayerai. Regagnez-vous la librairie ?
    — Non, j’ai menti à père. Actuellement, je suis à Saint-Mandé où je me gave de gâteaux en compagnie de Mlle Bontemps. Je vais tuer la matinée au magasin du Louvre, mais malgré une vente spéciale de robes et de manteaux, je ne penserai qu’à vous.

    Joseph avait l’impression de chevaucher un cumulonimbus. Il acheta Le Passe-partout à un petit crieur et d’un pas conquérant aborda la librairie où Kenji s’impatientait.
    — Mazette ! Patron, vous êtes sur votre trente et un ! Quelle magnifique cravate jonquille ! Vos bottines brillent tellement que j’ai envie de m’y reluquer ! Et ce parfum… Un champ de lilas !
    — De lavande, Joseph, de lavande.
    Adoptant la pose, Kenji rajusta son gibus noir et enfila ses gants beurre frais. Saisissant sa canne à pommeau de jade en forme de tête de cheval, il décocha une grimace au buste de Molière.
    — Je vous abandonne. N’oubliez pas que nous nous retrouvons à quinze heures rue Drouot pour y rencontrer le colonel de Réauville, le nouvel époux de Mme de Brix. Il désire mon avis quant à l’acquisition d’un manuscrit enluminé. Ensuite nous l’escorterons avenue Foch, où il possède une villa bourrée d’ouvrages militaires que je m’efforcerai d’enlever au meilleur prix.
    — Comptez sur moi, patron !
    — Au fait, et ces La Fontaine, vous les avez ? Joseph perdit aussitôt contenance, rougit, bafouilla.
    — Le relieur a du re… du retard… euh, trop de commandes, il… il est navré.
    Surpris de son trouble, Kenji se promit de tirer cette affaire au clair.
    Dès que le carillon eut tinté, Joseph profita de l’absence de clients pour feuilleter le quotidien. Un communiqué signé Virus attira son attention.
    LE CADAVRE DES HALLES
    « Nous sommes en mesure de révéler l’identité de l’homme découvert près des pavillons de Baltard par M. Rivet le lundi 11 au soir. Il s’agit d’un éminent chercheur en zoologie au Muséum d’histoire naturelle. M. Antoine du Houssoye était depuis peu revenu en France après un long séjour d’étude à Java. Il a été tué d’une balle de revolver tirée à bout portant. Nous savons de source sûre que notre brillant limier national, l’inspecteur Lecacheur, a interrogé les proches de la victime, et qu’ils ont tous été mis hors de cause. Nous serions donc confrontés à l’un de ces crimes sordides dont on

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